
Originaire du Cameroun, Koyo Kouoh fait partie des curatrices culturelles les plus influentes au monde. Fondatrice de la Raw Material Company, un espace de rencontre pour artistes et intellectuels basé à Dakar, elle contribue à donner de la visibilité au continent africain, un laboratoire culturel en pleine ébullition.
Avec un regard cuivré et imposant, Koyo Kouoh est animée d’une aura irrésistible. Née en 1967, au Cameroun, où elle a vécu jusqu’à l’âge de 13 ans avant de déménager en Suisse avec sa famille, elle représente une des figures incontournables de la scène culturelle africaine. Diplômée en sciences économiques, son parcours, qui la prédestinait logiquement à une longue carrière dans le secteur des finances, est pourtant aussi linéaire qu’un zigzag.
Passionnée d’art et de l’Afrique, elle décide de se faire une meilleure connaissance du continent. Ainsi, en 1995, elle va interviewer l’illustre cinéaste sénégalais Ousmane Sembène. Les années qui suivent, elle occupe successivement des postes de chargée culturelle et de commissaire d’exposition. Réalisant que la culture est son domaine de prédilection, en 2008, elle fonde la Raw Material Company, une sorte de laboratoire au sein duquel artistes et intellectuels peuvent peaufiner leur pratique.
«L’espace œuvre à la croissance et à l’appréciation de la créativité artistique et intellectuelle en Afrique. Le programme est transdisciplinaire et se nourrit de la littérature, du film, de l’architecture, de la politique, de la mode, de la cuisine et de la diaspora.» – Raw Material Company
L’art, le savoir et la société. Trois axes autour desquels Raw Material Company rassemble les créateurs. L’existence de ce centre cristallise par ailleurs la vision de Koyo Kouoh : celle de rassembler les individus au-delà des clivages. Entre autres accomplissements, en 2016, la curatrice culturelle a été la commissaire d’exposition de deux évènements de grande envergure : la 1:54 Contemporary African Art Fair, la première foire internationale d’art contemporain africain, et la biennale internationale EVA, en Irlande. Ses pairs considèrent l’année 2016 comme ayant marqué un tournant décisif dans sa carrière.
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En outre, ayant la ferme conviction que les peuples africains doivent construire des ponts entre eux plutôt que de s’enfermer dans des cages identitaires héritées de la colonisation, Koyo Kouoh considère le continent comme un tout, dans lequel la diversité doit être célébrée.
«Les frontières géographiques sont souvent des restes de l’entreprise coloniale qui s’échina à diviser l’Afrique en différentes zones, alors même que les réalités culturelles nous montrent des organisations sociales et religieuses autrement plus fluides. C’est pourquoi il est essentiel de mettre l’accent sur ce qui nous unit, plutôt que d’intégrer ces divisions géopolitiques. Le continent offre tellement d’angles d’approche ! Il est si vaste et si divers ! Je suis pour ma part convaincue que l’avenir de la recherche artistique transcende ces divisions d’un autre temps.» – Koyo Kouoh
Ainsi, la curatrice culturelle refuse d’apprécier le continent africain à travers des lunettes qui lui sont étrangères.
«Il faut arrêter d’avoir une image dépréciée de nous-mêmes. Il n’y a rien de diminutif dans l’adjectif africain. L’Europe et l’Amérique, on s’y cogne pendant des années et on nous dévisage avant de nous laisser entrer. Je me fiche qu’on me laisse être ou pas à leur table. Je dresse ma propre table, à eux de venir manger à la mienne. On nous dit que l’Afrique est en vogue. Elle l’est depuis cinq cents ans !» – Koyo Kouoh
Jusqu’au mois de décembre, Raw Material Company accueille une session intitulée «Les Cinq Éléments» et dédiée à la culture hip-hop. Avec des participants tels que Didier Awadi, pionner du rap sénégalais, Olivier Cachin, journaliste français spécialisé dans les cultures urbaines, ou encore Adé Bantu, musicien et activiste social nigérian, cette rencontre consiste à penser les méthodologies et stratégies du hip-hop, en Afrique et ailleurs.