Les résultats de l’élection présidentielle en Sierra-Leone ouvrent la voie à un second tour entre le chef de l’opposition et candidat du « Sierra Leone People Party (SLPP) »- Julius Maada Bio- et celui du « All People Congress (APC) » et non moins parti …
La justice pour tous n’est pas un luxe ! Cinq pistes de réflexion
Les maux dont souffre la justice en Afrique sont connus. Décalage entre les grands principes et les pratiques ; hiatus entre grandes affirmations ou autres envolées lyriques et réalisations concrètes ; discordance entre des conceptions encore trop souvent héritées du passé colonial …
Un hommage aux femmes fortes et engagées
« Voici venu le moment de vous annoncer la grande innovation des villages d’Enfants SOS du Sénégal, l’Université des sciences et techniques Tamaro Touré. Après 40 ans d’activités au service de l’enfance, il nous a paru opportun de renforcer le …
Elections de fin 2017 au Liberia : quatre leçons utiles pour l’Afrique de l’Ouest !
Le nouveau président du Liberia, M. George M. Weah, a affirmé le 22 janvier 2018, dans son discours d’investiture, que “ce jour, les Libériens ont atteint une étape importante sur le chemin vers la liberté, la justice et la démocratie …
Je ne blanchirai pas ma peau
La question de la dépigmentation de la peau chez les femmes noires n’est pas une thématique nouvelle. Elle ne l’est pas chez les hommes noirs non plus. En Afrique, un grand nombre de personnes utilisent des produits décapants pour blanchir …
Entretien avec Isis Noor Yalagi (II): «Il n’y a pas de conscience écologique aujourd’hui sur le continent africain»
L’équipe de WATHI a reçu dans ses locaux Madame Isis Noor Yalagi le 21 mars 2017 lors d’un séjour à Dakar. Cette rencontre a permis d’aborder de nombreux sujets cruciaux pour l’avenir de l’Afrique de l’Ouest et du continent : jeunesse africaine entre milieux urbains et monde rural, questions écologiques et place des pays africains dans la mondialisation, le discours sur le panafricanisme et la gouvernance politique des États, question de l’autosuffisance alimentaire et la place des femmes dans nos États. Isis Noor Yalagi est une femme d’expérience attachée au continent. WATHI s’est entretenu avec une femme libre proposant une vision personnelle de l’état du continent.
Extraits de l’entretien avec Isis Noor Yalagi
Penser l’être et son rapport avec l’environnement
“Nous sommes tous et toutes dans le même bateau, et ce bateau c’est la terre mère. Il n’y a pas d’échappatoire. Que ce soit en Occident, en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique… dans les Amériques, dans le Pacifique, il n’y aura pas d’échappatoire. Alors c’est vrai, lorsque nous parlons d’écologie, l’Africain sourit. À la limite ce n’est même pas du développement, c’est un sujet d’arrière-garde. Mais nous sommes dans la réalité.
Lorsque je regarde Dakar, j’ai une grande tristesse. J’ai connu Dakar lorsque j’avais vingt et quelques années. Il y avait des arbres et il y avait de l’espace. On vivait et la ville respirait. Ce n’était pas Dakar seulement, c’était le cas des villes africaines. Aujourd’hui, on coupe les arbres, on construit du béton , c’est invivable et c’est irrespirable. On respire un air pollué. On crée des routes sans mettre des espaces pour que l’eau puisse y passer, c’est du non-sens ! On laisse l’être humain construire comme il veut. C’est une anarchie totale.
L’écologie aussi, c’est ce que l’on mange. Rien n’est fait pour contrôler notre nourriture. On laisse la place à tout ce qui détruit l’humain : le sucre est présent partout dans nos aliments. Quant aux bouillons cubes de toutes sortes, ils sont beaucoup utilisés. C’est à qui créera le cube le plus nocif pour l’humain. Il y a aussi un autre élément quand on parle d’écologie : l’utilisation des nouvelles technologies. Toute la journée on est sur son iPad ou sur son smartphone, c’est une destruction du milieu social. Cela empêche les rencontres.
Il est bon de réfléchir aux villes dans lesquelles nous voulons vivre, nous, nos enfants et les générations à venir
Remettre la nature au coeur de nos vies
Il n’y a pas de conscience de l’être humain, de son rapport avec son environnement et avec la nature. C’est totalement hors de son vécu, cela ne l’intéresse pas. Bien sûr, on parle d’écologie, de réchauffement climatique : « il fait froid ces temps-ci ». Mais cela s’arrête là. On ne va pas dans les profondeurs. L’écologie globale est une démarche importante et elle est cruciale. L’Afrique est un enjeu important pour le monde. C’est un continent où l’on vient puiser des ressources. L’Africain lui-même dans sa démarche au quotidien adopte cette attitude : «j’abats les arbres, je salis la ville, je suis consommateur en tout genre, etc.».
On doit être conscients de ce qui se passe et réellement agir. Il est temps que des cercles se mettent en place. Il doit y avoir une réflexion sur le niveau et le bien-être de vie que nous voulons avoir dans un futur proche. Il est bon de réfléchir aux villes dans lesquelles nous voulons vivre, nous, nos enfants et les générations à venir. Il est bon de penser qu’il est important de reboiser, parce que nous faisons partie d’une chaîne globale où l’arbre est au coeur même de cette écologie. Plus nous coupons, plus nous laissons la place à un désert. Plus nous coupons, plus nous laissons la place à des violences incroyables de la nature .
L’écologie est fondamentale. Il nous faut revoir la façon dont nous voulons vivre sur le continent africain. Il faut qu’il y ait une démarche fondamentale pour remettre la nature au cœur de nos vies.
L’année dernière en Casamance, j’ai pu voir combien le vent soufflait. J’étais étonnée, car il soufflait, mais il n’y a rien pour l’arrêter. Il n’y a pas de conscience écologique aujourd’hui sur le continent africain. Il y a bien sûr des personnes qui œuvrent, des personnes qui se battent, mais sur la balance nous sommes peu nombreux. L’écologie est fondamentale. Il nous faut revoir la façon dont nous voulons vivre sur le continent africain. Il faut qu’il y ait une démarche fondamentale pour remettre la nature au cœur de nos vies. Nous n’avons pas besoin d’avoir chacun trois ou quatre voitures. Nous pouvons faire en sorte que dans les grandes villes les transports en commun puissent nous permettre de circuler sans qu’il y ait tant de voitures. Nous pouvons revoir notre façon de manger. C’est incroyable en Afrique le nombre d’ AVC (Accident vasculaire cérébral) et de cancers . Certaines maladies n’existaient pas il y a une vingtaine d’années et aujourd’hui elles embrasent le continent africain.
L’écologie doit être la base de nos sociétés
L’écologie, c’est tout ce qui est lié à la vie des vivants, et quand je dis « vivant » ce n’est pas simplement l’humain. C’est la nature, ce sont les animaux, ce sont les quatre éléments, l’eau, l’air, la terre, le feu, c’est tout ce qui fait en sorte que nous puissions respirer, vivre et manger. Je crois que l’écologie n’est pas une démarche à mettre de côté, elle doit être tout comme l’éducation des jeunes la base de notre société.
L’Afrique pourrait avoir la possibilité d’être un continent précurseur en la matière. Nous ne sommes pas allés si loin, bien que nous avançons dans cette transformation de société ultra-technique. Nous pouvons, si nous le voulons, inverser la démarche et faire des choix pour une écologie globale de pointe sur le continent africain. Alors bien sûr, aujourd’hui nous ne pouvons pas compter sur les gouvernances africaines. Cela n’est pas dans leur démarche. Ils ont mieux à faire, paraît-il. Mais si nous avons une société civile qui est consciente de cette démarche, nous pouvons petit à petit, comme cela se fait en Occident, commencer à renverser les choses.
Nous avons du soleil. Il est vrai que les nouvelles technologies produisent elles aussi leur masse de déchets. Il faut penser à cette masse de déchets. Nous pouvons faire en sorte que chacun d’entre nous puisse avoir du solaire, des cuiseurs solaires, que nous puissions circuler en vélo. Bien sûr, ce sont des changements de mentalité et de forme de vie. Mais nous le pouvons, si nous le voulons sur le continent africain. Je crois que la société civile peut, et l’a déjà pris en main, car il y a des personnes qui se mobilisent, ne serait-ce qu’ au Sénégal. Ils font des choses en faveur de l’écologie. Mais je crois que cela doit augmenter et prendre un plus essor.
Lorsque nous parlons d’écologie globale, nous parlons d’agroécologie et de permaculture. Nous parlons pour redonner à la terre ses droits, de respecter la terre, le sol qui fournit les aliments et de faire en sorte que nous ayons une agriculture saine. Que nous soyons les décideurs de ce que nous voulons manger, de ce que nous voulons planter. Nous pouvons aussi décider de protéger les semences vivantes, qui ne sont pas des semences OGM (Organisme génétiquement modifié) ou hybrides. Ce sont des semences qui vont se reproduire par elles-mêmes parce qu’elles sont vivantes et que nous allons faire en sorte de redonner à nos sols l’humus et la vie qu’ils ont portées pendant longtemps.
Il faut choisir l’agroécologie et la permaculture comme techniques agricoles saines pour la terre et pour l’environnement
L’agriculture à l’heure actuelle, celle que nous avons sur le continent africain, est bien sûr une agriculture chimique et agrochimique. L’agriculture agrochimique ne date pas de maintenant et la monoculture non plus. Elle est un fait de l’Occident, parce que l’Occident a eu à un moment à penser à nourrir ses populations et il a décidé de mettre en place sur ses terres africaines des monocultures. Au Sénégal, avant la colonisation les populations ne consommaient pas du riz . C’était du mil et des céréales de base. On a encore des espaces où l’on cultive des variétés anciennes de mil dans quelques endroits de la Casamance. Dans d’autres endroits, c’était le mil, le sorgho ou d’autres céréales.
L’Occident a bouleversé cet état de fait : il a décidé qu’à certains endroits on ne cultiverait que de l’arachide, que du cacao ou que du café parce qu’il en avait besoin. Peu de gens savent que l’agriculture chimique est une agriculture meurtrière. D’où viennent cette agriculture et les pesticides chimiques? À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il y avait tellement de produits pour les bombes qui n’avaient pas été utilisés que les laboratoires se sont demandés ce qu’ils allaient en faire. Pour ne pas les nommer, je vais nommer Bayer par exemple, qui est un grand consortium pharmaceutique. Ils ont décidé de transformer ce stock de produits en engrais et en intrants.
L’agriculture chimique est une agriculture meurtrière, car ces intrants ont été fabriqués à partir des produits utilisés pour les bombes, et ça, peu de personnes le savent. C’est sûr, en deux, trois mouvements vous avez des produits qui sortent de la terre, mais ce que vous mangez c’est du poison. Ensuite, ils vont décider de faire de la manipulation au niveau des semences, de passer des hybrides aux OGM. C’est de la manipulation et cela a une incidence sur ce que nous mangeons.
La permaculture, une technique saine pour notre agriculture et notre environnement
Qu’est-ce que la permaculture ? La permaculture est une démarche agroécologique, une démarche à la terre inspirée des peuples premiers. Elle a été créée par deux Australiens, Bill Mollison et David Holmgren. Les peuples premiers existent sur toute la Terre, en Afrique, en Amérique latine, bien sûr plus sur les continents du Sud. Ils ont une approche de la nature plus proche et plus respectueuse. D’abord, ils n’utilisent pas d’éléments qui vont la détruire.
Ensuite, ils sont toujours en accord avec ce que la saison produit, ils ne cultivent pas des fruits ou légumes qui ne sont pas en lien avec la saison. On ne coupe pas, on n’abat pas n’importe comment. Ils ont observé comment les peuples premiers vivaient et ensuite ils l’ont enrichi avec une démarche scientifique. De ce fait, grâce à la permaculture, on peut reconstituer un sol totalement pauvre. On peut faire en sorte de réactiver la vie avec du compost, en utilisant tout ce que la nature nous donne : les plantes vertes, les plantes séchées… »
Biographie
Isis Noor Yalagi est née en France d’un père togolais et d’une mère martiniquaise. Son père est un homme de radio. Il a travaillé à Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) et à Radio France internationale (RFI). « Avec mon père nous avons voyagé sur le continent africain, parce qu’il structurait les radios africaines en Afrique de l’Ouest ». Il a été le directeur des programmes pour l’Afrique de l’Ouest à Radio France Internationale. Ces voyages multiples ont favorisé chez Isis Noor Yalagi un profond sentiment d’attachement pour le continent. Son parcours lui a non seulement permis d’avoir un regard sur l’histoire du continent africain et sur sa diaspora.
Les années 60 sont marquées par les indépendances pour de nombreux pays africains qui ont une histoire avec l’Occident. C’est également une période de revendication que ce soit en Afrique, en Inde et en Amérique latine. Aux États-Unis, cette période a été marquée par le combat des Black Panthers pour la liberté des populations noires. L’arrestation de Nelson Mandela en 1962 en Afrique du Sud fut un événement marquant pour la jeune Isis.
Se définissant de la « génération mai 68 », Isis Noor Yalagi avait quinze, seize ans quand ces événements ont éclaté en France. Ils ont été des événements sociaux profonds de revendications de la jeunesse française et occidentale par rapport à leurs pères et à leurs aînés.
Les revendications étaient légion, « cela a été un moment important parce que c’était le début de mon activisme ». C’était aussi le début de la vision d’un autre monde, avec ce mouvement que certains peuvent considérer comme « ringard », mais très important dans la démarche écologique, le mouvement hippie. Il revendiquait déjà une autre vision sur le plan du rapport de l’humain à l’environnement et à la nature.
« Ma démarche panafricaniste survint durant cette période ». La connaissance de notre histoire, des anciens, des aînés, des mutations et des dynamiques sur le continent, la rencontre avec ce que j’appelle l’écologie globale. Puis bien sûr, dans ces mêmes années, nous allons avoir ce mouvement de revendication pour l’émancipation des femmes.
Elle a embrassé le métier de manager culturel et artistique. C’est dans ces années là que tout a pris corps, et qu’elle est fortement inspirée par le combat de la militante des droits de l’homme, féministe et activité américaine Angela Davis. « J’avais tout juste quinze ans, je partais à Paris quand j’ai vu quelqu’un qui lisait un journal avec la photo d’une femme qui avait une coiffure « Afro » superbe, je ne savais pas qui était cette personne. Je descends donc à la station de métro, je vais au kiosque, j’explique au vendeur qu’il s’agit d’un journal avec une femme ayant une coiffure « Afro ».
C’était la une du journal Nouvel Obs. On venait d’arrêter Angela Davis en 1970. Dans cette édition spéciale du Nouvel Obs, on relatait dans une centaine de pages l’histoire de l’Afrique, du peuple africain et de sa diaspora, de la terre mère jusqu’à l’arrestation de Angela Davis. Je découvre un continent immense, avec une histoire extraordinaire, avec un vécu humain de souffrances des peuples africains, de ceux qui sont restés comme de ceux qui ont quitté le continent africain.
« Aujourd’hui encore, je suis inspirée par le courage de Angela Davis, je la remercie beaucoup pour cette étape décisive dans ma vie. Elle fait partie des femmes qui ont été un détonateur pour mon engagement. Quand je pense au combat des femmes, je pense aussi à ma mère. Dans l’histoire qui est la sienne, en tant que femme née dans les Caraïbes, dans les Antilles, avec toutes les problématiques, elle avait fait le choix de l’Afrique sans en avoir toutes les données. C’était quelque chose d’instinctif chez elle. Elle a toujours cru en ce continent ». Isis Noor Yalagi vit entre le Togo et le Sénégal.
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Sénégal : quelles stratégies pour renforcer la qualité des formations?
Aujourd’hui, la qualité de la formation au niveau de l’Enseignement supérieur au Sénégal est un sujet préoccupant. Pour en parler, Wathi a reçu pour vous en entretien, Abdou Salam Sall (ancien recteur) de l’université Cheikh Anta Diop. Extrait
Des réponses structurelles face aux effectifs pléthoriques dans les universités
Si on parle aujourd’hui de l’accès à l’enseignement supérieur, il faut dire que l’on a une explosion des effectifs des étudiants, résultat des efforts que la communauté internationale a eu à faire au niveau de « l’Éducation pour tous ». En soutenant massivement l’enseignement primaire, et après l’enseignement secondaire, la base éducative s’est beaucoup élargie et à la clé il y a eu beaucoup de bacheliers. L’évolution de la courbe des bacheliers de 1951 à 2010 au Sénégal, montre une croissance presque exponentielle. Ceci n’a pas eu que des avantages, avec 95% de bacheliers issus de la formation générale et 5% de la formation technique et professionnelle… Dans les 95% du bac général, plus de 70% étaient des bacheliers littéraires. S’est alors posé le problème de leur admission dans le système d’enseignement supérieur.
Le gouvernement a agi sur trois (3) niveaux, d’abord au niveau de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) avec un préalable renforcement des capacités d’accueil de l’UCAD. Ensuite, les universités de Thiès, de Bambey et de Ziguinchor (régions ouest, centre et sud du Sénégal) ont été créées. Sur ce point, beaucoup de difficultés ont été rencontrées. La première difficulté est que le gouvernement n’a pas doté ces universités d’infrastructures physiques capables d’accueillir les jeunes, notamment à Ziguinchor (sud du Sénégal) qui pourtant est une ville ayant la capacité d’absorption d’une université. Quant à l’université de Thiès (ouest du Sénégal), elle était d’abord une association d’établissements qui devaient se regrouper en vue de sa formation. Le problème de cette université, c’est le manque de caractère académique des enseignants et une situation conflictuelle en leur sein qui ont fini par causer sa dislocation. Enfin pour l’université de Bambey, c’est la ville elle-même qui n’a pas la capacité d’absorption d’une population universitaire.
L’évolution de la courbe des bacheliers de 1951 à 2010 au Sénégal, montre une croissance presque exponentielle. Ceci n’a pas eu que des avantages, avec 95% de bacheliers issus de la formation générale et 5% de la formation technique et professionnelle
Mais se pose aussi le problème de l’université de Saint-Louis (nord-ouest du Sénégal) qui a été créée en 1990 et qui peine à réunir dix mille étudiants (10.000) aujourd’hui, en comparaison avec l’université de Dschang au Cameroun, créée en 1993 et qui en 2015 regroupait trente cinq mille étudiants (35000). Donc pourquoi la communauté académique de Saint-Louis a-t-elle voulu que l’université reste embryonnaire ? Que serait l’université de Saint-Louis avec un effectif de trente mille (30000) étudiants ? Le chiffre d’affaires généré par ces trente mille étudiants, en raison de deux cent mille francs CFA par étudiant, serait dès lors de six (6) milliards de FCFA (environ 9, 146 millions d’euros).
Enfin le gouvernement a aussi misé sur l’enseignement privé, sauf que contrairement au Kenya par exemple qui a édicté des règles suite aux conditionnalités de la Banque Mondiale (BM) sur l’ouverture de l’enseignement supérieur, le Sénégal a tardivement établi des normes, ce qui a fait que des universités ont été ouvertes suite à une simple déclaration. Donc il y a eu une absence d’Etat et d’une capacité de réponse. Mais aujourd’hui force est de reconnaître la place et le rôle de l’enseignement supérieur privé qui regroupe quand même 30% des effectifs de l’enseignement supérieur.
Favoriser la recherche et l’esprit entrepreneurial dans les formations académiques
L’enseignement supérieur, est différent de l’enseignement général et secondaire; il est orienté et piloté par la recherche, les programmes ne sont pas figés et sont les résultats de la recherche. Naturellement, il existe un socle de compétences que l’on assoit mais il y a une partie qui bouge en fonction de la recherche et c’est pour cela que la corrélation recherche/enseignement supérieur fait que la recherche nourrit l’enseignement supérieur.
La qualité donc se mesure à l’aune de la production scientifique mais aussi à l’aune de l’efficience du système, c’est-à-dire du passage du flux de transit à l’intérieur du système et du taux de placement et de l’ouverture du marché. Donc le gros problème qui s’est posé à nous, c’est que nous avons hérité d’un système d’enseignement supérieur classique, c’est-à-dire qui se limite à l’enseignement des fondamentaux, où les enseignements étaient disciplinaires et où la formation professionnelle, bien qu’existante, était confiée à des établissements qui en retour ne recrutaient pas assez d’étudiants.
La qualité donc se mesure à l’aune de la production scientifique mais aussi à l’aune de l’efficience du système, c’est-à-dire du passage du flux de transit à l’intérieur du système et du taux de placement et de l’ouverture du marché
C’est dans ce contexte, que la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) a été introduite. Il faut savoir que ce qui va caractériser le monde de demain, c’est la mobilité durant la période de travail. Cela signifie que ceux qui sont compétents vont entrer dans le métier par une compétence définie, mais vont migrer tout au long de leur cursus vers d’autres métiers. De ce fait, en faisant la réforme LMD nous avons tenu compte de cet aspect en consolidant le socle disciplinaire par les Licences et en dédiant les Masters au savoir-faire.
Au niveau de l’université de Dakar particulièrement, la réforme LMD nous a permis de revisiter notre offre éducative et son adéquation avec les besoins du marché, et la nécessaire mobilité, mais elle nous a aussi permis d’améliorer le flux de transit de 10% dans tous les établissements.
En faisant la réforme LMD nous avons tenu compte de cet aspect en consolidant le socle disciplinaire par les Licences et en dédiant les Masters au savoir-faire
De ce fait d’un point de vue mécanique des améliorations ont été apportées, d’un point de vue de l’efficacité externe, il faudrait que l’on puisse la mesurer, mais d’un point de vue global de la conscience entrepreneuriale, il reste encore des choses à faire.
L’on entend souvent évoquer l’articulation de la formation avec les besoins de l’économie, mais c’est à se demander si cette dernière existe. De quelle économie parle-t-on ? De celle qui n’emploie pas les médecins sortants de formation? Le problème, c’est que pendant longtemps, l’on a fourni une formation en ne considérant que l’emploi placé, or tel n’est pas le but de l’enseignement supérieur. Il a comme vocation d’ouvrir le marché en permanence, donc la formation offerte aux jeunes devrait les prédestiner à des postes d’employeurs plutôt qu’à ceux d’employés.
Le problème, c’est que pendant longtemps, l’on a fourni une formation en ne considérant que l’emploi placé, or tel n’est pas le but de l’enseignement supérieur. Il a comme vocation d’ouvrir le marché en permanence, donc la formation offerte aux jeunes devrait les prédestiner à des postes d’employeurs plutôt qu’à ceux d’employés
C’est la raison pour laquelle un incubateur d’entreprise a été créé à l’UCAD. Par la suite, le Sénégal a gagné le concours du parc scientifique et technologique des Nations unies dans l’optique d’utiliser les résultats de la science pour créer des industries et des emplois. Malheureusement, bien qu’on ait gagné de hautes luttes cette affaire, par des gestions politiques, les résultats escomptés non pas été produits. Les choses sont beaucoup plus complexes que cela, mais il faut qu’on inscrive dans les imaginaires des uns et des autres la nécessité de changer les choses.
Nous ne sommes qu’au début du processus de l’utilisation de l’enseignement supérieur, il faut qu’on continue à travailler sur la recherche pour comprendre les choses, les analyser et créer l’innovation qui permet de créer des entreprises avec des niveaux concurrentiels élevés, continuer à renforcer la formation en tenant compte des outils technologiques qui se sont développés. Il faut que l’on continue à s’intéresser à ce qui se passe dans la société et à pouvoir l’éclairer par la science. Nous devons être politiques sans être d’aucun bord politique. Notre bord politique, c’est la science.
Biographie de Abdou Salam Sall
Professeur de classe exceptionnelle, Abdou Salam Sall est professeur de chimie inorganique, branche de la chimie étudiant les composés minéraux. Il a été successivement secrétaire général du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES), doyen de la Faculté des sciences et techniques (FST), recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (de 2003 à 2010) et président du comité de pilotage des Assises de l’éducation et de la formation au Sénégal. Il est l’auteur d’une cinquantaine de publications notamment “Les mutations de l’enseignement supérieur en Afrique : le cas de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD)”.
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Valeurs africaines, une richesse à préserver
Sur le plan politique Sur le plan social Sur le plan national Sur le plan de l’éducation [hia_author_boxes roles= »collaborator » include= »10274″ title= »Partenaire »]
Relever les défis infrastructurels et technologiques pour un enseignement de qualité en Afrique francophone
L’un des problèmes du système éducatif universitaire en Afrique, surtout francophone, est que ce système ne s’est pas adapté aux mutations technologiques. Les programmes d’enseignement mis en place n’ont pas évolué pour intégrer les possibilités offertes par la technologie de …
Débat: agriculture responsable en Afrique de l’Ouest
Dans le cadre des débats en ligne qu’il organise sur les grandes problématiques de l’Afrique de l’Ouest, WATHI, le think tank citoyen de l’Afrique de l’Ouest, s’interroge depuis début juillet sur le thème « Comment développer une agriculture productive et responsable …