
Le secteur immobilier est en pleine expansion et la demande restera croissante. Le gouvernement, les investisseurs privés et les banques agissent de concert pour répondre au défi du logement.
Face à l’urbanisation croissante, les pouvoirs publics ont lancé plusieurs programmes de construction de logements sociaux et de lotissements dans les quartiers périphériques des grandes villes. Pour accompagner cette politique, plusieurs structures ont été mises en place: la Société nationale d’aménagement des terrains urbains (Sonatur), la Société de construction et de gestion immobilière du Burkina (Socogib), le Centre de gestion des cités (Cegeci), les fonds de l’habitat, ainsi que la Banque de l’habitat du Burkina Faso (BHBF).
Pour promouvoir le secteur immobilier, l’État a engagé depuis 2008, un programme de 10 000 logements sociaux sur le court, moyen et long terme. En vue de désengorger la capitale, il a mis le cap sur la construction de cités dans la périphérie. Dans un rayon d’une vingtaine de km, Bassinko (Nord), Koubri (Sud), Zagtouli (Ouest) et Saaba (Est) sont devenus des centres urbains recherchés. Les différentes initiatives ont permis de rendre accessible le logement aux ménages moyens, prêt à engager entre 7,5 et 12 millions de F.CFA (entre 11 500 et 18 000 euros).
De nouvelles sociétés immobilières
Apanage de l’État avant la libéralisation du secteur économique, le secteur de l’immobilier se développe à vitesse grand V, avec l’arrivée en son sein des promoteurs privés. La seule société étatique, la Socogib, avait été rachetée par Aliz-Immobilier (Azimmo) en 2001.
S’installent au-devant de la scène de nouvelles sociétés aux grandes ambitions. Présente dans le BTP, la Compagnie générale des entreprises (CGE) de Saidou Tiendrebéogo, avait créé, en 2013, une filiale, CGE Immobilier, en vue de prendre pied dans le secteur, à travers la construction de 1 230 logements sociaux et économiques à Bassinko. Rassurée sur le potentiel du secteur et l’ampleur de la demande, CGE Immobilier monte actuellement un projet de développement d’un pôle urbain sur plus de 600 hectares, qui accueillera, à terme, plus de 10 000 logements à la sortie sud de la capitale.
Autre société en pointe: BTM, d’Henriette Kaboré, dont le challenge est de finaliser la cité «Les Dauphins», projet immobilier ambitieux, étalé sur 62 hectares, à la périphérie sud de la capitale. «Ce programme immobilier présente un intérêt pour tous les acteurs de la zone. Il crée un pôle d’activités susceptible de générer des emplois pour les jeunes et des recettes fiscales pour la commune. Le projet soutient l’État dans la mise en œuvre de la politique nationale de logement à laquelle le secteur privé est invité à contribuer», explique Henriette Kaboré.
Bien sûr, le secteur du ciment bénéficie de l’embellie actuelle. Le Burkina Faso compte quatre cimenteries: la doyenne, appartenant au groupe indien Diamond Cement, doit affronter depuis 2014 une forte concurrence de CimBurkina (partenaire de l’allemand Heidelberg Cement), de Cimfaso (de la holding Cim Metal Group de Inoussa Kanazoé) et de Cimaf-Burkina (de l’industriel marocain Anas Sefrioui).
L’accompagnement des banques
Ces trois dernières cimenteries totalisent un investissement d’environ 90 milliards de F.CFA (137,2 millions d’euros) entre 2014 et 2016. La production est estimée à plus de deux millions de tonnes/an, pour des besoins annuels similaires.
Le soutien du secteur bancaire est primordial dans la situation actuelle. Plusieurs établissements proposent des produits facilitant l’acquisition et la construction des terrains, au profit des clients, ainsi que des partenariats avec les sociétés immobilières. Considérée comme une révolution dans l’industrie bancaire, la Banque de l’habitat favorise l’émergence de logements pour les classes moyennes. La présence de Shelter Afrique, de la BOAD, de la Banque de l’habitat de Tunisie, de la SFI, au sein de son capital, donne un gage de crédibilité à la BHBF.
Destiné aux salariés du privé et du public, ainsi qu’aux travailleurs du secteur informel, le prêt auto construction (PAC Lafia) finance l’acquisition de terrains ou la construction de logements, pour un taux d’intérêt de 5 % minimum. «Le marché de l’habitat est caractérisé par un déséquilibre entre l’offre et la demande. Aussi, la BHBF entend développer la promotion immobilière dans d’autres régions, en particulier celle du Centre-Est, où la demande en logement est très forte, surtout par la diaspora», explique le directeur général, Sibiri Coulibaly.
Dans le même sillage, la Banque commerciale du Burkina (BCB) et la filiale de la Société Générale (SGB) ont noué des partenariats avec des investisseurs immobiliers, en vue d’offrir des solutions pour le logement, notamment dans les deux plus grandes villes, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. La SGB appuie CGE Immobilier dans la réalisation de plus de 1 230 logements sociaux et économiques à Bassinko. De même, un partenariat public-privé a permis au groupe BTM d’engager, avec le soutien de Bank of Africa, le programme de la cité «Les Dauphins».
Des investisseurs en appui
Le recours au secteur bancaire a permis de financer et construire des logements à grande échelle au bénéfice des populations à faibles revenus ou intermédiaires, à des coûts réduits avec un système de conventions. Ces dernières lient trois parties: l’État met à disposition des terrains viabilisés, accorde des avantages fiscaux aux promoteurs et aux banques, pour réduire les prix des logements aux futurs acquéreurs.
Plusieurs investisseurs se montrent intéressés par le secteur de l’immobilier. Le groupe turc MRD International est entré en discussion avec le gouvernement, en décembre 2016, pour un projet de construction de 50 000 logements. P&N Burkina Faso, filiale du promoteur espagnol P&N Holding, a déjà investi plus de 13 milliards de F.CFA (près de 20 millions d’euros) dans son projet de logements bioclimatiques à Bassinko. Dans le sillage de l’Inde qui a débloqué 11,2 milliards de F.CFA (17,1 millions d’euros) pour le financement de la construction de 1 000 logements sociaux et économiques, le Qatar s’est engagé dans la construction de logements sociaux baptisés «Cité de l’amitié-Qatar Burkina Faso», toujours à Bassinko.
Dans la suite logique de son arrivée au Burkina Faso, le groupe marocain Addoha (Anas Sefrioui), à travers sa filiale Addoha Burkina, a exprimé aux autorités sa volonté d’investir, notamment dans le segment du logement social. Un accord de principe a déjà été donné pour la construction de 1 000 logements à Ouagadougou.
Préparer le futur
Selon les projections du ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, la population urbaine burkinabé doublera d’ici à 2030, ce qui appelle de lourds investissements dans le logement. Pour Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, les besoins sont estimés à plus de 30 000 logements par an, dont la grande majorité à caractère social.
En perspective, le gouvernement envisage de réaliser 40 000 logements sociaux et économiques, en cinq ans, dans les 13 régions du pays, en partenariat avec les promoteurs privés: «La réalisation des 40 000 logements vise la relance de l’économie nationale et l’exigence de justice sociale. Nous voulons permettre à chacun d’accéder à un logement décent selon son revenu», explique le ministre de l’Habitat, Maurice Dieudonné Bonanet.
Face aux difficultés d’accès aux crédits, aux taux d’intérêt élevés (12 %), à la lenteur dans l’attribution des maisons, au prix bas des logements sociaux (5 à 7,5 millions de F.CFA), ces promoteurs privés recommandent une exonération des taxes sur les matériaux de construction des logements sociaux, l’acquisition de tous les logements construits par la Banque de l’habitat qui les cédera ensuite aux bénéficiaires, la réalisation des travaux de viabilisation primaires. À long terme, le ministère envisage la construction de plus de 3 000 logements sociaux répartis dans les 302 communes rurales du pays.
ENCADRE
Danger sur le foncier
Sur la base des conclusions de la commission parlementaire sur le foncier, l’Assemblée nationale du Burkina Faso a autorisé le retrait de 105 408 parcelles, illégalement acquises entre 1995 et 2015 dans quinze communes urbaines, au détriment l’État et dénoncé «des populations injustement spoliées». Si les investigations conduites par la Commission ont mis en relief des acquis quant au respect des dispositions législatives et réglementaires, tant dans le domaine de l’activité de promotion immobilière que dans la conduite des opérations de lotissement, elle a cependant relevé de nombreuses irrégularités et entorses à la réglementation en la matière.
Forte ingérence du politique dans la gestion du foncier, lotissements réalisés dans des conditions «peu orthodoxes», changement de destinations de terrains sans autorisation, occupations illégales de terrains, absence de titres fonciers, abus de pouvoirs des conseillers municipaux, etc., la commission d’enquête a mis à nu la gangrène qui avait lieu dans le secteur depuis des années.
Trois sociétés immobilières (Socogib, Satmo et Azimmo) appartenant toutes à Alizeta Ouédraogo, ex-présidente de la Chambre de commerce et d’industrie, sont dans la ligne de mire des enquêteurs. La commission a recommandé un encadrement de l’activité des promoteurs immobiliers et un nouveau type de rapports entre l’État et les opérateurs de l’immobilier épinglés, qui mettent en avant l’intérêt des populations.