Spectacle de lutte sérère sur la plage de Belham

Il y a quelquefois des secrets bien gardés. Des secrets qui ne demandent qu’à faire surface et à s’épanouir à la lumière du jour. La commune de Fatick, capitale de la région de Fatick porte en elle plusieurs secrets de la captivante culture sérère, et fut le cœur d’un royaume qui laisse ses traces dans toute la culture sénégalaise, dont de grandes traditions qui font la fierté du pays.

Qui n’a pas entendu parler de la lutte sérère, sport national des Sénégalais, et son ballet envoutant de pas et de gestes séculaires, accompagné du tam tam traditionnel? Plus encore, les célèbres prédictions des Saltiguis sérères, qui chaque année, au centre de médecine traditionnelle de Malango, galvanisent toute la nation durant la cérémonie du Xooy (inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO). Au bord du fleuve Sine, la frange sacrée de l’ancien royaume sérère, on trouve encore un site d’offrande séculaire, où depuis près de 6 siècles, on vient demander des faveurs à Mindiss, la déesse et gardienne des lieux.

Ces lieux ne sont pas encore signalisés, mais le seront peut-être bientôt, car la Mairie de Fatick a organisé en avril dernier sa première formation de guides touristiques. Ce fut aussi ma première mission de coopérante volontaire pour l’organisation canadienne SACO, qui a signé, avec le Syndicat d’initiative de promotion touristique su Sine Saloum (SIPTSS) une entente de 3 ans afin d’appuyer le développement touristique de la région.

Actuellement 5e région touristique du Sénégal, le Sine Saloum possède pourtant un delta spectaculaire intégré au Patrimoine mondial de l’UNESCO, et fait partie du club sélect des plus belles baie au monde. De nombreux villages, situés en bordure du delta ou dans la brousse, occupent ce territoire fascinant, où l’accueil est empreint de gentillesse et de fierté. Sensibilisée à l’importance de la culture locale par mon implication avec l’organisation québécoise Village Monde, je ne pouvais que tomber amoureuse d’un pays aussi riche d’humanité et de beauté.

Cette mission fut donc intense et émouvante, non seulement par l’accueil que j’ai reçu, mais aussi par la fierté que j’ai vu fleurir chez les 10 jeunes hommes et jeunes femmes qui avaient été sélectionnés pour recevoir cette formation de guides touristiques. Peu à peu, nous avons fait émerger ensemble les attraits touristiques et culturels de Fatick, en organisant des visites dans des sites qu’ils n’avaient encore jamais vus, bien que natifs de la ville. Pourquoi tous les lieux de mémoire et sites traditionnels restent-ils pour la plupart inconnus? Tout d’abord, sauf pour la Maison royale et le Musée de Diakhao (à proximité de Fatick), il est très difficile de les repérer. Et aussi parce que chaque quartier a ses propres lieux de mémoire et cérémonies traditionnelles, qui ne sont généralement connus que par le voisinage

En témoigne le quartier sérère de Poukhoum où mes étudiant et moi fument accueillis par le chef de village, et guidés vers plusieurs lieux sacrés près de majestueux  baobabs.  Ce fut une grande surprise pour les jeunes de découvrir que dans leur municipalité, à 10 minutes de la mairie, on pratiquait encore souvent des cérémonies traditionnelles (avant le mariage ou lors d’un décès, par exemple) et que la culture sérère, ne se célébrait pas seulement lors du Xoy ou de la Diobaye (chasse traditionnelle avant l’hivernage), mais quotidiennement.

En visite dans un quartier typique sérère avec les étudiants

Cette mise en bouche nous a permis par la suite de mieux apprécier la visite de Maison Royale, et de l’Écomusée de Diakho, hélas, également mal signalisés et ouverts sur demande seulement. A cause d’un manque cruel de fonds pour entretenir le Musée, mais aussi d’argent pour embaucher un guide interprète, ces lieux restent encore sous-exploités. Il est pourtant fascinant de découvrir cette royauté sérère matrilinéaire, avec une organisation très structurée, dont le règne s’est éteint en 1969, après 600 ans d’emprise sur la région du Sine Saloum.

Ce fut pour moi un ravissement de découvrir cette ville et cette région, mais aussi de passer ces deux semaines à l’hôtel Royal Malango, qui appartient à la Ville de Fatick, et dont les revenus permettent de financer des projets structurants pour la communauté. Géré par Issa Barro, un professionnel expérimenté, l’hôtel a repris son envol après une période de vaches maigres. Et, à mon plus grand plaisir, deux de mes étudiantes y ont été embauchées. Samedi dernier avait lieu la première visite guidée d’un quartier traditionnel sérère.

Ces premières retombées positives suite à ma mission sont pour moi de merveilleuses nouvelles. Je suis persuadée que la ville de Fatick, qui fêtera en décembre prochain le 100e anniversaire, a un avenir touristique. Ces bonnes nouvelles seront bientôt suivies par d’autres. En effet une représentante de Village Monde visite en ce moment la région du Sine Saloum afin d’y évaluer et référencer les hébergements villageois écoresponsables. En obtenant le label de Village Monde, ces hébergements seront mis en ligne sur la plateforme collaborative de réservation de Village Monde, ce qui leur permettra de se faire connaître auprès d’une grande communauté de voyageurs engagés.

Président du Syndicat d’initiative de promotion touristique du Sine Saloum, Issa Barro croit fermement au tourisme écoresponsable et travaille de près avec des villages de brousse avec qui il a monté le campement de Belham. Situé à quelques heures de route de Fatick, ce campement de paillotes sur pilotis propose un délicieux séjour nature sur un bras de mer sauvage du delta.  C’est au terme d’une journée paradisiaque que j’ai pu assister sur l’immense plage à un spectacle de lutte sérère rythmé par le tam tam. Tous les villageois des environs étaient venus y assister. Devant le soleil couchant des jeunes de 6 à 18 ans se sont affrontés sous l’œil attentif des juges. Puis à la fin, lorsque les vainqueurs furent déclarés, les femmes sont venues danser spontanément devant les musiciens. Jamais je n’oublierai cette soirée. Le lendemain, Issa m’apprenait que nous avions contribué ainsi à soutenir le Club de lutte des jeunes des villages environnants. Puis, sur la route du retour à Fatick, dans les zig zags entre les villages de brousse, il m’a raconté tous les projets d’amélioration de conditions de vie que le campement avait permis par ses retombées.

Ce discours renforce donc les arguments pour le développement d’un tourisme à échelle plus humaine et créateur de richesse pour tous au Sénégal. Ce n’est pas un hasard si 2017 a été nommée Année internationale du tourisme durable pour le développement par l’UNESCO : cette industrie crée un emploi sur 11 dans le monde, et peut vraiment servir de courroie d’un développement intégré comme dans la région du Sine Saloum. Il ne manque que la notoriété à ces nouvelles destinations responsables afin d’attirer des visiteurs avides d’expériences locales authentiques. Ce sera la prochaine étape du plan de développement élaboré avec le SIPTSS et SACO. En attendant, les voyageurs souhaitant se rendre au Sine Saloum pourront bientôt réserver des hébergements écoresponsable de la région sur la plateforme collaborative de Village Monde.