
Lomé demeure une place financière incontournable dans la sous-région, attirant capitaux, intermédiaires et sièges sociaux. À court ou moyen termes, les restructurations bancaires pourraient s’intensifier.
Lomé abrite deux institutions financières de développement et 13 banques. La BIDC, bras financier de la Cedeao, dont le siège est installé dans une des tours les plus imposantes du centre-ville depuis 40 ans, a accompagné le développement de groupes panafricains.
Actionnaire fondateur d’Ecobank et d’Asky, la BIDC est également très active dans les projets de développement du Togo, la réhabilitation de la route nationale 1 et de pistes rurales sur le corridor Lomé-Ouagadougou, la rénovation de l’Hôtel 2-Février. Son président Bashir Mamman Ifo vient d’annoncer la levée de 50 milliards de F.CFA (76 millions d’euros) pour financer des programmes de développement dans les 15 États-membres.
Institution commune des États de l’Uemoa, la BOAD a, elle aussi, son siège historique dans la capitale depuis 40 ans. Participant au financement de nombreux chantiers de développement, l’institution a levé dernièrement lors de sa 101e session, de nouveaux engagements pour un montant de 64,4 milliards de F.CFA (98 millions d’euros).
Les deux banques panafricaines, Ecobank et Orabank, ainsi que le capital investisseur Cauris Management, ont fait le choix d’implanter leur quartier général au Togo. Selon les chiffres de la Bceao, l’activité bancaire du pays, mesurée au total bilan, a progressé de 15 %, en glissement annuel, pour ressortir à 2 003 milliards de F.CFA à fin juin 2016.
Les dépôts ont connu une hausse de 6 % alors que l’encours des crédits a augmenté de 1 % sur un an. «Le secteur bancaire se porte relativement bien et continue de jouer son rôle d’intermédiation». À la tête d’Oragroup depuis le 1er juillet 2016, Binta Touré Ndoye, veut «consolider la place prépondérante d’une banque panafricaine implantée aujourd’hui dans 12 pays d’Afrique et qui a connu un taux de croissance de 16 % en 2015».
Un environnement bancaire concurrentiel
Présent dans une trentaine de pays en Afrique, le groupe Ecobank est installé dans la Tour bleue de la capitale togolaise. Il a annoncé, lors de sa dernière assemblée générale à Lomé en août 2016, un virage stratégique en recadrant son modèle d’ouverture d’agences vers les services sur la téléphonie mobile et en ligne.
Un tournant technologique pour son directeur Ade Ayeyemi, concrétisé par le partenariat avec l’opérateur mobile Moov qui permettra de rattraper son retard dans le mobile banking. Le taux de détention du mobile banking au Togo, aujourd’hui en vogue en Afrique subsaharienne, oscille entre 0 % et 1 %, contre 12 % en Afrique de l’Ouest.
Côté banques publiques, si l’État togolais, engagé dans une démarche de privatisation depuis 2010, a pu trouver preneur pour la Banque togolaise de développement (BTD), reprise par Oragroup, et la BIA Togo, détenue aujourd’hui par le marocain Attijariwafa bank. Patrick Mestrallet, chargé de leur restructuration, vient d’être nommé à la tête de la BTCI et de l’UTB (troisième banque du pays à vocation universelle).
La capitale du Togo demeure attractive pour les banques panafricaines. La Société Générale s’est installée récemment. Et le départ d’Atlantic Financial Group (AFG), la holding de Banque Atlantique, vers Abidjan en 2012, semble bien loin. L’environnement bancaire reste très concurrentiel.
Des taux de crédit très bas peuvent être obtenus avec des financements à quelque 4 % pour des grandes entreprises, un taux inférieur à la moyenne de l’Uemoa. Mais le système bancaire local peine à financer les petites et moyennes entreprises. Toutefois, des fonds spécialisés existent avec des programmes de financement (pour la première installation primo-entrepreneurs ou dans le secteur de l’agriculture) de prêts pour des montants inférieurs à 25 millions de F.CFA.
Après Abidjan et Cotonou, Lomé a accueilli il y a peu la Journée de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), dirigée par Edoh Kossi Amenounvé. Une volonté de promouvoir la Bourse régionale d’Abidjan, déjà présente à travers la Société de gestion et d’intermédiation du Togo (SGI) qui exerce les activités de négociation de valeurs mobilières en Bourse.
Le paysage financier de Lomé se transforme, et si les défis restent nombreux pour rivaliser avec d’autres capitales financières, le pays est résolument déterminé à jouer sa carte de place financière sous-régionale.
Trois questions à Patrick Mestrallet, directeur général de l’Union togolaise de banque
Quelle est votre feuille de route en rejoignant l’UTB ?
L’idée est de faire une seule banque publique en fusionnant deux banques, l’Union togolaise de banque (UTB) et la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie (BTCI). L’État est le premier opérateur économique du pays et il me semble normal qu’il ait les moyens de ses priorités pour mener sa politique.
Si l’État décide de lancer une politique touristique, il faut qu’il puisse disposer d’un outil de financement. Bien sûr, cela ne doit pas être un obstacle à la gouvernance autonome de la banque à qui il appartient de décider si financer tel ou tel projet est en bonne adéquation avec ses ressources.
En France, on a créé la Banque publique d’investissement et elle décide seule. Elle a repris les outils de la Coface, mais la banque à laquelle on délègue doit rester maîtresse de ses décisions tout en intégrant les priorités économiques de l’État. Je suis venu à l’UTB pour mener à bien cette fusion à laquelle je crois.
Comment voyez-vous l’évolution de la place?
L’environnement économique et politique du pays est favorable au développement d’une place financière. De grands acteurs de l’économie, banques de développement, assurances, organisations internationales ont leur siège à Lomé et la volonté des autorités depuis toujours est d’être attractif pour les holdings financières. Les sièges des groupes Ecobank et Orabank sont à Lomé.
On sent la volonté d’attirer les banques. Mais 13 banques c’est trop ! Je suis favorable aux fusions et rapprochements. Le volume global des dépôts augmente. Il est aujourd’hui d’environ 1 300 milliards de F.CFA (près de 2 milliards d’euros), soit pour chaque banque environ 100 milliards, ce qui est faible.
Or, il faut des outils pour développer les réseaux bancaires qui sont importants et engendrent des coûts d’exploitation élevés. UTB est le premier réseau avec 46 agences. Avec la fusion, nous aurons un réseau de qualité qui pourra assurer une injection bancaire et ainsi favoriser la bancarisation de l’ensemble de la population. BTCI a une quinzaine d’agences. Reste à voir si l’on spécialise une des banques.
L’activité financière participe-t-elle à la vie économique?
L’activité financière est en croissance sur le marché local. La Société de gestion et d’intermédiation (SGI-Togo) est très active et peut lever des fonds pour l’État et les entreprises publiques. Une levée de fonds de 5 milliards de F.CFA est en cours.
L’activité d’intermédiation est efficace. Tous les produits bancaires sont raisonnables, compréhensibles par tout le monde. Nous sommes très loin des produits dérivés. Toutes les banques ont contribué au développement économique, à travers le financement de routes, de projets d’assainissement.