
Un jour mannequin, le lendemain créatrice de mode, le surlendemain en voyage pour une vente privée. Maureen Ayité – plus connue sous le nom de sa marque Nanawax – s’est rendue à la rédaction, toute de bogolan vêtue, lors de son dernier passage à Abidjan. Jeune, créative et talentueuse, conversation sans langue de bois avec Maureen Ayité.
Tu as étudié le langage des signes, fait du volontariat au Costa Rica, et as créé Nanawax qui était au départ une page Facebook dédiée au pagne. Que ne sait-on pas encore de ton parcours ?
Que je suis entrepreneure depuis le CE2 ! C’est là que j’ai commencé à faire du commerce. J’étudiais en Côte d’ivoire et je passais mes vacances en France. Comme j’allais tous les 2 mois à Paris, je demandais 500 francs français pour acheter autant de boites de pogs que je pouvais. C’était un jeu très à la mode à l’époque. Et je les vendais. Ça marchait super bien. Je pense que j’ai vendu tous les jeux de la cour de récré. Dans toutes les écoles où j’allais, on m’appelait « la commerçante ». Je vendais des chips, des sucettes… de tout ! Je n’ai jamais vraiment eu besoin d’avoir de l’argent de poche de mes parents, Je suis vraiment entrepreneure dans l’âme. J’arrive à comprendre les besoins des gens à l’instant T.
Tu es à la fois créatrice et égérie de ta marque, pourquoi le choix de représenter toi même tes créations ? Ne crains-tu pas que Nanawax ne puisse pas vivre sans ton image ?
Pour moi, Nanawax n’était pas censé arriver à ce stade. Je n’avais pas les moyens de payer des mannequins. Je prenais mes photos avec le retardateur. Au début, je le faisais sans mon visage et ensuite j’ai commencé à faire des photos avec un photographe et une maquilleuse. Á Cotonou, il n’y a pas vraiment d’agence de mannequins. Alors je me suis dit autant être modèle mais je ne pensais que ça prendrait cette ampleur. Je me rends compte que sans mon image, ce n’est pas possible Nanawax car quand je fais porter les vêtements par une mannequin, il y a moins de likes et moins de ventes. Pour moi, faire des photoshoots est devenu un vrai travail. Dès que je porte une de mes créations, les gens achètent. Effectivement, il n’y a pas de Nanawax sans moi, même si ce n’était pas le but premier.
« Je n’ai jamais vraiment eu besoin d’avoir de l’argent de poche de mes parents, Je suis vraiment entrepreneure dans l’âme. J’arrive à comprendre les besoins des gens à l’instant T.»
Est-ce que le succès de tes modèles diffère selon les pays ? Quelle est la différence entre la femme sénégalaise, ivoirienne, congolaise ou béninoise ?
Oui complètement ! Au Sénégal, ils aiment beaucoup les accessoires, qui partent plus vite qu’un vêtement d’ailleurs. Les petites tailles partent vite au Sénégal. En Côte d’ivoire, les femmes achètent les vêtements et sacs mais pas les chaussures car elles préfèrent porter des chaussures d’autres marques. Les préférences pour les motifs diffèrent. Avec le temps, j’ai appris à connaitre la clientèle de chaque pays.
Les noms de certaines de tes créations sont inspirés de la chanson « sapé comme jamais », d’où t’es venue l’idée ?
Parce que ce sont des chansons qui me trottent dans la tête. Mon modèle « Coco Na Chanel », c’est le sac Chanel africanisé. Un jour, une cliente m’a envoyé une vidéo de la veste en dansant sur « sapé comme jamais ». Je trouvais ça marrant. Et puis, les gens mémorisent plus quand la création porte un nom.
« Je me suis rendue compte qu’il suffisait d’africaniser les tenues européennes. »
Quelles sont tes sources d’inspirations dans la création de tes vêtements ?
Au départ, ce sont les séries comme Gossip Girl mais aussi les tapis rouge. Je reproduisais des tenues de stars en wax et les gens aimaient bien. Je me suis rendue compte qu’il suffisait d’africaniser les tenues européennes. Il faut métisser des coupes occidentales avec un tissu africain et c’est tout !
En trois mots, comment définirais-tu l’esprit Nanawax ?
Africain, chic et moderne !
Qui est la femme Nanawax ?
C’est drôle, j’en parlais ce matin avec ma mère ! C’est une femme élégante, c’est une working girl. C’est la jeune femme africaine dynamique qui travaille et qui a envie de s’habiller différemment. Comme toi ? C’est ça, même si je ne me prends pas la tête au quotidien mais je fais l’effort pour Nanawax !
Quel est le plus beau compliment qu’on puisse faire sur tes créations ?
Qu’une dame aisée et élégante préfère mettre du Nanawax alors qu’elle peut porter des accessoires de luxe. Un jour, une dame a transvasé le contenu de son sac Fendi dans un sac Nanawax et ça, c’est le meilleur des compliments ! Ce qui me fait plaisir aussi, c’est que les gens prennent goût au wax – qu’ils trouvaient trop bariolé – et qui en portent aujourd’hui.
Un vêtement ou un accessoire que tu aurais adoré créé ?
Le Capucine de Louis Vuitton ! Je déteste les monogrammes et ce sac représente ce que j’aime. Il est beau et chic tout en étant peu ostentatoire car il faut l’ouvrir pour savoir que c’est un Vuitton. Un jour, je l’achèterai mais pas maintenant (rires) car il est très cher !
Entre tes voyages, conférences, Nanawax, Nanacook, comment arrives-tu à trouver du temps pour toi ?
Je peux travailler 25 jours d’affilés et pendant 5 jours je reste chez moi, je regarde la télé. Cuisiner pour moi, c’est un plaisir, et plus mes followers en demandaient, plus j’en faisais. C’est pour le fun mais j’essaie de mettre les recettes de temps en temps. C’est juste pour essayer d’aider celles et ceux qui demandent mes recettes. Je n’ai pas fait de cours de cuisine, je suis autodidacte en cuisine comme en stylisme ! Je prends des recettes et je les reproduis.
Tu as lancé Nanacook, une page Facebook dédiée aux recettes vidéo. Penses-tu qu’un jour la passion de cuisine prendra le pas sur Nanawax ?
Peut-être ! Je ne sais pas. Nanawax est devenu un vrai travail. Nanacook est devenu un loisir. C’est un plaisir de cuisiner et de partager ma passion. Nanawax, c’est mon petit bébé donc je ne pense pas tout laisser tomber pour la cuisine.
Quelle est la chose dont tu es la plus fière ?
Je suis fière de rendre ma famille fière ! Ma mère, ma grand-mère !
Actuellement, quel est le modèle de ta marque dont tu ne te sépares pas ?
Mon sac à dos !
Pour toi, quel est le plus grand fashion faux pas ?
Le truc à ne pas faire, c’est le total look en pagne : les chaussures, le sac, les vêtements, c’est trop ! Le total look pagne, ça ne donne pas envie !
Quand tu es à Abidjan, où peut-on te croiser ?
Á ma boutique (rires) ! Quand je viens à Abidjan, c’est vraiment pour la nourriture. J’aime le Saakan, Chez Miss Zahui. Je ne suis pas vraiment une clubbeuse donc on ne me croisera pas en boîte. Je vais aussi à Assinie !
Source: Maureen Ayité, une entrepreneure dans l’âme