La communauté internationale célèbre, ce 5 décembre, la Journée mondiale de l’égalité des chances. Portrait d’un personnage qui redonne à des milliers de femmes, victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC), la chance d’être guéries et de vivre comme celles qui n’ont pas subi de telles atrocités. Il s’agit du gynécologue Denis Mukwege, «l’homme qui répare les femmes».

Bistouri dans une main et l’Évangile dans une autre, Denis Mukwege pratique la chirurgie réparatrice pour sauver des vies, celles de femmes violées dans la région du Sud-Kivu, en RDC. Victimes collatérales d’une guerre qui ravage l’est du pays, elles trouvent espoir et réconfort dans son centre, l’hôpital de Panzi.

 

De 1999 à décembre 2015, cet établissement a pris en charge gratuitement 48 842 survivantes de violences sexuelles et 37 382 femmes avec des pathologies gynécologiques. Elles ont bénéficié d’une chirurgie reconstructive.

«C’est sur le corps de la femme que se fait cette guerre.» – Dr denis Mukwege

Opérer des enfants et des bébés violés (à cause d’une croyance qui interprète la virginité d’une fille comme une source de richesse), constitue l’une des plus grandes douleurs pour le docteur Mukwege et son équipe.

Dr Mukwege en salle d'opération churigicale
hopitaldepanzi.com

Frère, mari, et fils, Dr Mukwege est considéré par ces patientes comme un proche, un parent. Cette forme de familiarité amplifie la confiance mutuelle entre eux, un aspect important pour le traitement de ces dernières. Alliant savoir-faire et délicatesse, son approche est la preuve palpable de son combat pour la dignité des femmes. Il dénonce sans cesse la situation.

«Chaque mère violée, je l’identifie à ma mère ; chaque femme violée, je l’identifie à ma femme ; chaque enfant violé, je l’identifie à mon enfant.» – Dr denis Mukwege

De la salle de chirurgie aux écrans de cinéma, l’œuvre salvatrice du Dr Mukwege fait retentir les milieux humanitaires. Le documentaire «L’Homme qui répare les femmes : la colère d’Hippocrate» dresse son portrait.

Traduit en vingt langues, ce long-métrage de 112 minutes montre les victimes, ostracisées, livrées à elles-mêmes, face aux traumatismes psychologiques et physiques de leur agression, commise par un ou plusieurs hommes, rebelles, militaires et policiers.

Comme un missionnaire de l’Évangile, Denis Mukwege parcourt le monde entier pour alerter l’opinion publique sur les viols au Sud-Kivu. Il qualifie cette réalité de «véritable stratégie de guerre, d’entreprise de destruction de la structure sociale». En 2015, il crée la Fondation Panzi RDC pour mieux toucher le cœur des donateurs.

Couvert de distinctions, Denis Mukwege est nominé deux fois pour le Prix Nobel de la paix. Il reçoit de la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique un chèque de 100 000 euros, le 18 janvier 2016. À la même occasion, il se verra décerner le prix de l’«Héros pour l’Afrique», par le Parlement européen. Deux ans plus tôt, il obtient de cette même organisation le célèbre Prix Sakharov pour la liberté de l’esprit.

 

Aujourd’hui, à 62 ans, le pasteur évangélique ne tarit pas d’ardeur. Le meurtre du docteur Gildo Byamungu Magadju, qu’il considère comme son fils, en avril dernier, ne l’a pas non plus affaibli. Pour sa propre sécurité, il répond à l’aide de versets bibliques : «je ne crains rien, car Dieu est avec moi».

En octobre 2012, il a échappé à une tentative d’assassinat chez lui. Il est revenu d’exil en janvier 2013, profondément touché par le nombre de femmes qui le réclamaient et qui s’étaient cotisées, malgré leur dénuement, pour payer le retour de leur «sauveur»Aujourd’hui, il vit avec sa famille dans l’hôpital, sous la protection des forces des Nations unies.

Face à l’incertitude politique en RDC, Dr Mukwege incarne pour certains l’alternative à la tête du pays. Mais lui ne cesse de rétorquer : «je ne suis pas un politicien, mais un citoyen engagé qui joue le rôle de sentinelle par rapport aux politiciens».