
Les Ashantis, ethnie majoritaire du Ghana, forment un peuple régi par une forte culture traditionnelle. Leurs coutumes, très protégées, sont issues d’un important héritage. Bon nombre de leurs usages coutumiers sont repris au Ghana, trahissant ainsi un profond désir de retour à la tradition africaine ancestrale ainsi que la revendication d’une identité propre.
L’Afrique est un continent où le réel et le mystique vivent en perpétuelle communion. La plupart des traditions ancestrales africaines ont trait aux pouvoirs des êtres venus de l’au-delà, qui protègent les vivants et parfois les frappent de leur courroux. Les prêtres ashanti, considérés quasiment comme des divinités, sont, selon les croyances, en contact permanent avec l’au-delà, dont ils peuvent instantanément décrypter les messages. Chez les Ashantis, ces croyances sont vécues de manière encore plus profonde à travers les rites initiatiques, mais aussi les légendes qui étoffent le quotidien. Les Ashantis croient en l’existence de sept âmes, correspondant à chaque jour de la semaine. Ainsi, on donne le nom du jour de la semaine au bébé qui vient de naître. Les Ashantis croient également à la réincarnation : l’âme repart vers le Créateur. L’un des éléments les plus représentatifs de ces croyances est l’importance accordée aux poupées de fertilité. Aujourd’hui assimilées à des objets de décoration, il était impensable il y a de cela quelques années de les négliger ou de ne leur attribuer qu’un rôle accessoire.
La fécondité féminine est la base de la société africaine traditionnelle, gage de la continuité et de la survie de la communauté. Les cultes ayant pour but la fécondité des femmes sont donc nombreux et, pour favoriser une grossesse et surtout veiller à ce qu’elle se déroule sans problème, des représentations stylisées féminines sont souvent utilisées. Communément appelées Akwaba, les poupées de fertilité ashanti ont un véritable rôle protecteur. Elles décrivent de manière très explicite les formes généreuses du corps féminin. La composition de ces statuettes est toujours la même : une tête en forme de disque surmontée d’un long cou annelé et d’un corps fuselé avec des seins saillants. Elles sont souvent ornées de perles. À l’origine, les poupées réputées pour favoriser la fertilité des femmes étaient portées dans le dos par les jeunes filles avant le mariage et elles les emportaient au domicile conjugal après celui-ci, afin de favoriser le destin et d’assurer une progéniture à leur époux. Il s’agit de poupées, ou plus précisément d’effigies sacrées, qui représentent la beauté féminine. Elles sont sculptées avec un soin particulier, parées d’ornements et même vêtues. Selon les ethnies, leur rôle peut parfois être sensiblement différent : ainsi, aux akwaba des Ashanti et des Fante, on demandera de veiller sur la grossesse jusqu’à son terme. Les femmes enceintes les portent sur le dos, emmitouflées dans leurs vêtements. Leur fonction est également de favoriser la naissance d’un bel enfant qui aura les qualités esthétiques de la statuette. Après avoir rempli le rôle qui leur est attribué, les Akwaba sont placées sur des autels dressés à la mémoire des ancêtres.

Les origines de la poupée Akwaba sont très anciennes. La légende raconte qu’une jeune femme ashanti, nommée Akua (« née un mercredi ») avait des difficultés à avoir un enfant (Ba). Elle alla consulter le guérisseur de son village qui lui recommanda de se faire sculpter un petit enfant de bois et de le porter, le nourrir, le traiter comme elle l’aurait fait avec un enfant de chair et d’os. Elle devint ainsi l’objet des railleries des villageois qui la croyaient folle. En l’apercevant avec sa poupée de bois harnachée sur son dos, les villageois la montraient parfois du doigt en se moquant : «regarde l’enfant d’Akua!» (Akua Ba). Mais Akua tomba finalement enceinte et donna la vie à une petite fille pleine de santé.
Son succès encouragea les autres femmes ayant les mêmes difficultés à faire également sculpter de petites poupées de bois. Elles les nommèrent Akua’ba (l’enfant d’Akua) en son honneur.
Dans les faits, les rites des poupées Akwaba sont plus complexes et relèvent d’un véritable rituel. La poupée doit être portée certains jours, parfois déposée sur l’autel familial, la future mère doit également absorber des potions et se baigner ou se laver avec des infusions. Une fois l’enfant né, ce qu’il advient des poupées est très variable. Certaines sont données en signe de reconnaissance au guérisseur qui en a demandé la confection. Il les ajoute sur son autel, un nombre important étant le signe de son pouvoir. D’autres fois, elles sont données aux enfants comme jouet. On pensait aussi qu’une belle poupée influencerait la naissance à venir d’un bel enfant. Dans ces cas, l’Akwaba se devait d’être belle et sculptée avec soin. Si la femme ne donnait pas naissance à un enfant, il est rapporté que parfois elle continuait à garder son Akwaba et était enterrée avec elle.
Ces traditions sont révélatrices de la puissance de la foi dans la culture africaine et ce bien avant l’arrivée des religions chrétienne et musulmane. La majorité des ethnies étaient animistes et croyaient en l’existence de plusieurs divinités auxquelles chaque acte de la vie quotidienne était attribué. Encore aujourd’hui, les religions traditionnelles africaines perdurent, donnant lieu au syncrétisme qui est une réalité bien assumée en Afrique.