Cheikh Anta Diop est un historien, anthropologue, égyptologue et homme politique sénégalais. Esprit libre et intellectuel du XXe siècle, il a durant toute sa vie lutté pour redorer le blason de la race noire et lui offrir la place qui, selon lui, lui revenait de droit dans l’histoire de l’humanité. Pendant longtemps, ses idées furent combattues et dénigrées, jugées fausses et tirées par les cheveux. Aujourd’hui, ses études tendent à prouver effectivement que l’Afrique, malgré une histoire douloureuse subie et imposée par d’autres peuples, est loin d’avoir à rougir de son apport à l’humanité.

Méconnu par la plupart des Africains, le professeur Cheikh Anta Diop, dont l’université de Dakar porte aujourd’hui le nom, a longtemps été tourné en dérision, parfois même par des Africains, dans le cadre de ses études anthropologiques.

 

Né le 29 décembre 1923, dans le village de Caytou, situé dans la région de Diourbel, Cheikh Anta Diop obtient, en 1945, ses baccalauréats en mathématiques et en philosophie. Durant cette période, il crée un alphabet, afin de transcrire les langues africaines et il commence la rédaction d’un livre relatant l’histoire du Sénégal. Arrivé à Paris pendant l’année 1946, il s’inscrit en classe de mathématiques supérieures, dans le but de devenir ingénieur en aéronautique. Il s’inscrit également à la Faculté des Lettres de la Sorbonne en philosophie et poursuit, parallèlement à ses études, ses recherches linguistiques sur le wolof et le sérère, langues parlées au Sénégal. Il a mis l’accent sur l’apport de l’Afrique et en particulier de l’Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiale. En 1951, l’anthropologue présente, sous la direction de Marcel Griaule, une thèse de doctorat à l’Université de Paris, dans laquelle il soutient que l’Égypte antique était peuplée d’Africains noirs, et que la langue et la culture égyptiennes se sont ensuite diffusées à travers l’Afrique de l’Ouest. Il suit dans le même temps une spécialisation en physique nucléaire, au laboratoire de chimie nucléaire du Collège de France. Son interprétation de données d’ordre anthropologique et archéologique l’amène à conclure que la culture égyptienne est une culture nègre. Sur le plan linguistique, il maintient que le wolof est phonétiquement proche de la langue égyptienne antique.

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Cheikh Anta Diop Ⓒ http://www.setal.net

Cheikh Anta Diop participera au comité scientifique international de l’UNESCO, qui procède à l’élaboration de l’Histoire générale de l’Afrique (HGA). Lorsqu’il obtient son doctorat en 1960, il revient enseigner au Sénégal comme maître de conférences à l’Université de Dakar, où il obtiendra en 1981 le titre de professeur. En 1966, il crée le premier laboratoire africain de datation des fossiles archéologiques au radiocarbone, en collaboration avec celui du Commissariat français à l’énergie atomique de Gif-sur-Yvette.

En 1947, le professeur Diop s’engage politiquement et lutte en faveur de l’indépendance des pays africains, notamment du Sénégal, et de la constitution d’un État fédéral en Afrique. Il dénonce, dans un article paru dans La Voix de l’Afrique noire, l’Union française qui, «quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, apparaît comme défavorable aux intérêts des Africains».

Il sera l’un des principaux acteurs de la démocratisation du débat politique au Sénégal, où il animera l’opposition au régime de Léopold Sédar Senghor, à travers la création de partis politiques (le FNS en 1961, le RND en 1976), d’un journal d’opposition («Siggi», renommé par la suite «Taxaw») et d’un syndicat de paysans. Son opposition idéologique et politique au président poète est l’un des épisodes intellectuels et politiques les plus marquants de l’histoire contemporaine de l’Afrique noire.

Son ouvrage, publié aux Éditions Présence Africaine sous le titre «Nouvelles recherches sur l’égyptien ancien et les langues négro-africaines modernes» restera inachevé, car le 7 février 1986, Cheikh Anta Diop meurt à son domicile de Fann, quartier situé non loin de l’Université de Dakar.

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Romans du Pr Diop Ⓒ https://www.africavivre.com

On retiendra de ce grand homme un patriotisme et une fierté à revendiquer ses origines nègres, mais aussi sa ferveur à lui redonner une place de choix dans l’histoire de l’humanité qui, trop souvent lui a attribué le rôle de race faible. Ses études, bien que toujours controversées, apportent un éclairage nouveau sur l’anthropologie de l’Afrique et ses origines peu explorées. L’une de ses citations résume d’ailleurs très bien sa pensée : «On vous nie en tant qu’être moral. On vous nie en tant qu’être culturel. On ferme les yeux, on ne voit pas les évidences. On compte sur votre complexe, votre aliénation, sur le conditionnement, les réflexes de subordination et sur tant d’autres facteurs de ce genre. Et si nous ne savons pas nous émanciper d’une telle situation par nos propres moyens, il n’y a pas de salut. On mène contre nous le combat le plus violent, plus violent même que celui qui a conduit à la disparition de certaines espèces».