Dhafer Youssef

Le chanteur tunisien a fait de la musique sa religion. Joueur de «oud» (luth arabe), ce fils d’un muezzin s’est frayé un passage sur la scène musicale internationale. Déjà enfant, il donnait de la voix dans la mosquée du petit port de Teboulba.

Aujourd’hui, ses chants d’inspiration soufie mélangés au jazz résonnent dans les grands festivals du monde. Pour expliquer sa réussite, il fait une révélation atypique. « La musique, c’est ça ma religion », a-t-il déclaré dans un entretien avec l’Agence France Presse. Dhafer Youssef a toujours cru en ses capacités, son don. « Je pense qu’on naît avec quelque chose. Moi, je suis né avec la voix », a-t-il confié. Descendant d’une longue lignée de muezzins, il aurait pu rester dans la mosquée.

Dhafer Youssef, sur scène, lors de la journée internationale de jazz en 2015 au Global concert organisé par l’UNESCO à Paris. Crédits photo: Getty Images

Conversion à la musique

« A l’époque, j’étais religieux, je suis allé à l’école coranique, à la mosquée », raconte-t-il. Epris de liberté, il choisit de s’éloigner de l’espace de la mosquée. Il se convertit alors à la musique et entame un long périple vers les scènes étrangères. Formé au conservatoire de Tunis où il a acquis la maitrise du luth arabe, il fait usage de sa voix, « un don du ciel ». Plus tard, à l’âge de 19 ans, il se rendit en Syrie où il étudie la littérature et la musique arabes. Cet épicurien, revendiquant son amour pour le vin et les beaux vêtements, y découvre aussi le poète bachique du VIIIe siècle, Abou Nouwas.

Dhafer Youssef, sur scène, en blanc à gauche, lors du festival des musiques sacrées à Fez au Maroc en 2010. Crédits photo: Getty Images

Libre et multidimensionnel

Deux ans après, il se retrouve à Vienne pour étudier la musique classique. Le jeune homme côtoie Paolo Fresu, Nguyen Lê, Wolfgang Mustphiel, la jeune scène électro jazz scandinave.

« Je suis quelqu’un qui aspire tout, qui respire tout, qui s’inspire de tout », souligne Dhafer Youssef, qui poursuivra son voyage à New York à la fin des années 1990 puis à Paris à partir de 2002, où il a vécu plusieurs années.

Il rencontre le trompettiste Ambrose Akinmusire, avec qui il a enregistré son dernier album, son septième depuis 1999, « Diwan of beauty and odd » (Okey). Agé de 49 ans, il fait le tour d’Europe, avec des concerts un peu partout, en Angleterre, en France, etc. Il y a sept ans, il est retourné s’installer dans son pays.

« Je voulais vivre l’expérience de mon pays qui change », dit celui qui ne croit ni en « une société parfaite », ni en « une religion juste », ni « au paradis ». Ses convictions lui valent l’inimitié de certains mouvements religieux radicaux dans son pays.

Source: Dhafer Youssef : portrait d’un musicien atypique