Sucre

Dans cet entretien réalisé en marge de la deuxième édition de la Conférence internationale du sucre, tenue les 22 et 23 février à Marrakech, le PDG de Cosumar se montre confiant quant aux perspectives de développement de la filière sucrière en Afrique. Néanmoins, pour améliorer le rendement de cette culture et réduire le gap avec l’Europe, il va falloir mettre l’accent sur la recherche scientifique notamment, soutient Fikrate.

Les Inspirations ÉCO : Pourquoi avoir choisi le thème de la compétitivité et de l’intégrité de la filière sucrière en Afrique pour la deuxième Conférence internationale du sucre ?

Mohammed Fikrate : Le choix de la filière sucrière concernant son intégration et sa compétitivité en Afrique est guidé par plusieurs raisons. Nous croyons fortement à la stratégie ambitieuse et dynamique initiée par le roi, orientée vers la coopération et le co-développement avec l’Afrique. Nous nous inscrivons pleinement dans cette logique, d’autant plus que la filière sucrière est l’une des rares chaînes de valeur qui relient l’amont à l’aval, de l’agriculteur au consommateur, en passant par la transformation de l’industrie agroalimentaire, les services, la logistique.

L’Afrique est un continent très prometteur, qui regorge d’énormes ressources naturelles et qui réunit des conditions favorables à la culture sucrière. C’est aussi un continent qui connaît une très forte croissance démographique avec ce que cela induit en termes de consommation de sucre. Le marché africain du sucre est actuellement déficitaire à hauteur de 7 à 8 millions de tonnes chaque année, alors que nous disposons de plusieurs atouts pour être producteurs voir exportateurs de sucre. Mais pour révéler ces potentialités, il reste encore des efforts à fournir sur le plan de l’infrastructure, du climat des affaires, de la technologie et surtout de l’investissement. L’industrie sucrière est lourde et très capitalistique comparativement aux autres industries agroalimentaires.

Les Tunisiens se sont inspirés de l’expérience marocaine pour redonner du souffle à leur secteur sucrier. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cosumar a derrière elle plus une expérience de plus de 85 ans dans l’industrie du raffinage et de plus de 50 ans dans l’extraction du sucre de la betterave et de la canne. Cela nous a permis de développer une expérience et une expertise reconnues aujourd’hui par nos pairs de par le monde. Les cadres de Cosumar, anciens et actuels, partent souvent travailler dans des raffineries présentes sur d’autres continents (Asie, Europe, Afrique) et a fortiori la Tunisie, qui nous est proche. Quand nous avons été approchés par nos amis tunisiens, nous étions enthousiastes à l’idée de les accompagner dans leur projet. Nous l’avons fait de manière continue depuis environ quatre ans et nous sommes aujourd’hui contents de voir l’activité sucrière ressuscitée grâce à la volonté du gouvernement et des opérateurs tunisiens. Ces derniers se sont rendus compte du fait que cette activité contribue non seulement à préserver la souveraineté nationale (sécurité alimentaire), mais aussi à la création de la richesse, à sa distribution et à l’emploi. Nous sommes contents d’avoir contribué à cette belle aventure portée par des hommes et des femmes convaincus des vertus de ce secteur porteur et prometteur.

Les performances de la filière sucrière marocaine sont certes très appréciées en Afrique, mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les niveaux enregistrés en Europe (un rendement de 27 tonnes à l’hectare contre une douzaine de tonnes au Maroc). Quels sont les principaux leviers pour réduire ce gap ?

Il y a d’abord le levier scientifique et la recherche fondamentale dans la génétique. Que ce soit pour la betterave ou pour la canne, des techniques ont été développées pour sélectionner des variétés qui présentent des performances de rendement et de résistance. Les Européens ont pris de l’avance en la matière sous l’effet compétitif de la canne. Le sucre extrait de la canne étant moins cher que celui de la betterave, les betteraviers européens ont créé une dynamique qui a été fortement soutenue par les professionnels et les États.

Aujourd’hui, ils sont en train de récolter les fruits de leur démarche. Il y a d’autres leviers sur lesquels nous devons travailler. Nous devons rendre le climat des affaires attractif pour attirer et réaliser les investissements lourds que nécessitent à la fois la production agricole et la transformation industrielle. Le levier de la réglementation intervient également, car on ne peut développer et pérenniser une activité si on ne crée pas un environnement qui la protège contre les fluctuations de la volatilité du marché. Il faut aussi souligner que le sucre alimente une bonne partie de l’industrie agroalimentaire. Il exerce de ce fait un effet spectaculaire sur les PMI des industries manufacturière et alimentaire qui peuvent se greffer et se développer grâce au secteur sucrier.

Source: «L’Afrique réunit des conditions favorables à la culture sucrière»