
Port de La Goulette, 18 janvier 2017. L’imposant vaisseau de croisière le Viking Sea accoste. À son bord, 835 passagers, dont de nombreux Américains. À terre, on a déroulé le tapis rouge pour la venue de ce croisiériste. Depuis la funeste année 2015, endeuillée par les attentats du Bardo, puis de Sousse, les géants des mers évitent le pays. Chameaux, costumes traditionnels…, l’imagerie populaire a été déployée sur le quai pour séduire les arrivants. Les taxis jaunes brillent, leurs chauffeurs sont vêtus de frais, repassés, impeccables. Viking Cruises s’est engagé pour quatre autres escales en Tunisie pour 2017. D’autres opérateurs devraient suivre.
Des indicateurs à la hausse
Si les années 2015 et 2016 ont enregistré un effondrement de plus de 50 % de la clientèle européenne, janvier 2017 affiche une hausse de 10,5 % des entrées sur le territoire. Elles sont, en majorité, le fait des Algériens (98 000) et des Libyens (80 696). Une clientèle qui ne fréquente guère les hôtels, seulement 23 % d’entre eux. Côté français, la hausse est spectaculaire (+ 29 %), mais doit être relativisée. La comparaison avec janvier 2016, un des pires mois de l’histoire du tourisme tunisien, ne permet pas de crier victoire mais de déceler un frémissement à la hausse. Décembre 2016 était également supérieur à 39 % au même mois en 2015. Le marché français, crucial pour l’industrie du tourisme tunisien, repart. S’ils n’étaient que 400 000 en 2016, la barre du demi-million devrait être franchie sans encombre en 2017. En 2016, le Portugal et l’Espagne ont « bénéficié » de l’abandon de la destination Tunisie. Hôteliers et voyagistes préfèrent demeurer prudents, « la période fin mars-début avril permettra de savoir s’il y a une réelle reprise », indique la Fédération tunisienne de l’hôtellerie.

État d’urgence prolongé jusqu’au 17 mai
Le critère sécuritaire demeure le principal frein au redécollage du secteur. Le baromètre de sûreté émis par le Foreign Office sert de référence pour de nombreux pays. Le Royaume-Uni « déconseille tout voyage non essentiel » depuis l’attentat mené au Riû Mahraba Hôtel à Port El-Kantaoui (Sousse) le 26 juin 2015, faisant 39 morts, dont 30 Britanniques. Sur le territoire tunisien, la situation sécuritaire n’a rien à voir avec celle de 2015. Depuis le 7 mars dernier, lorsque la ville de Ben Guerdane (sud, à 20 kilomètres de la frontière libyenne) a été attaquée par une soixantaine de djihadistes, la Tunisie n’a plus enregistré d’attentats. Il reste la situation dans le centre du pays, Kasserine et alentours, où des affrontements entre militaires et groupes armés ont lieu sporadiquement. Ce matin, un militaire a été blessé alors que l’armée pourchassait des terroristes dans les monts environnant Kasserine. La Belgique vient de lever partiellement ses restrictions, autorisant les séjours sur le littoral de Bizerte à Sfax. Les zones intérieures demeurent déconseillées pour « tout voyage non essentiel », selon la formule. Thomas Cook Belgium reprendra son activité début avril. D’autres TO suivront.

Une décrue annoncée du tourisme russe
En 2016, 623 000 Russes ont profité de la mer, du soleil et des citadelles hôtelières all inclusive. 2017 ne lui ressemblera pas. Des Tour Operator russes commencent à rediriger leur clientèle vers la Turquie, destination historiquement prisée des Russes. Et Moscou a validé la reprise des vols réguliers avec l’Égypte. La concurrence jouera à nouveau. Les Algériens viennent en masse. Ils étaient 1,8 million en 2016. En janvier, près de cent mille, en hausse de 48 % par rapport à janvier 2016.
L’hôtellerie en difficulté financière

La Tunisie a accueilli 5,7 millions de touristes en 2016, soit une légère hausse de 7 % par rapport à 2015. 2017 sera l’année de tous les possibles. Mais les professionnels du secteur tempèrent les articles trop optimistes : « On fera un bilan à la fin du premier semestre. » L’endettement du secteur hôtelier atteint des seuils critiques. Situation qui n’est pas uniquement liée aux attentats. Les créances à l’égard de la STEG (l’EDF tunisienne) se chiffrent en centaines de millions de dinars. La clientèle européenne est impérative pour que ces bâtisses conçues pour un tourisme de masse fonctionnent à plein. Et ne s’abîment pas en attendant la reprise. Les signaux encourageants de ce début d’année sont un premier indicateur.
Source: Tunisie – Tourisme : de nouvelles raisons d’y croire