Ils se font appeler « Les laboureurs du code ». Ils n’apprennent pas seulement à ces jeunes curieux à créer des solutions et des applications. Ils inventent probablement l’avenir dans un des laboratoires d’idées les plus prometteurs de Kinshasa.

Ils ont entre cinq et seize ans. Chaque samedi, ils sont une vingtaine à venir apprendre les bases de la programmation informatique à Lumumba Lab, un espace d’innovation partagé. La séance a lieu à la Halle de la Gombe, en plein centre-ville de la Capitale congolaise.

Pas de tableau noir ni de craie

« Le local n’a rien à voir avec une salle de cours classique. Les enfants sont assis deux à deux devant un ordinateur et une tablette numérique. Les yeux fixés sur leurs écrans, ils suivent les instructions de leur formateur », remarque notre correspondant Poly Muzalia.

De nombreux métiers que feront ces écoliers n’existent pas encore. Et les fondateurs de Lumumba Lab sont convaincus qu’une fois devenus grands, ces enfants devront se servir de l’informatique pour leurs futurs métiers ou pour affronter les défis du monde socio-économique.

L’objectif n’est donc pas nécessairement d’en faire des petits programmeurs mais de leur montrer la logique de la programmation, pour mieux comprendre le langage informatique et les environnements numériques, tout en leur permettant de laisser libre court à leur créativité et leur ingéniosité.

Connecter, innover, transformer

À Lumumba Lab, chacun apporte son idée et la communauté associe le tout pour résoudre des problèmes du quotidien . Crédits photo: bbc.com

« Les laboureurs du code » n’est qu’un des multiples projets de Lumumba Lab. En créant cet incubateur de nouvelles technologies, Filip Kabeya et Idriss Mangaya ont voulu regrouper des développeurs et créer une communauté. Des instructeurs bénévoles forment les membres, interconnectent les idées et amènent les jeunes à travailler ensemble.

« Aujourd’hui, on parle d’économie collaborative et partagée mais c’est très africain à la base. On se mettait toujours autour du feu pour trouver des solutions à nos problèmes. On s’est donc dit : pourquoi créer chacun dans son coin, alors qu’on peut se mettre ensemble pour alimenter ce feu afin de créer quelque chose de plus grand? », explique Filip Kabeya, cofondateur de Lumumba Lab.

L’espace est ouvert et collaboratif avec une connexion à internet gratuite : Crédits photo: bbc.com

isdeel, le compteur intelligent

Alex Tshidinda travaille par exemple depuis des mois au Llab sur un projet innovant. Il l’a baptisé « isdeel » (Informatisation du Système de Distribution d’Eau et d’Electricité).

« Nous voulons apporter de l’intelligence à nos compteurs qui existent déjà mais qui n’interagissent pas avec l’abonné ou la société de distribution. Notre compteur permettra de prélever l’énergie consommée et d’envoyer des factures aux abonnés sans avoir à déplacer des agents sur place. Et tout ceci, sans connexion à internet. J’utilise le système GSM comme celui utilisé pour envoyer des textos d’un téléphone à l’autre », confie Alex Tshidinda Ngoy, électricien et électronicien.

«Un jour, l’Afrique écrira sa propre histoire »

La phrase est de Patrice Lumumba, ancien Premier ministre, figure emblématique de l’indépendance du Congo. Elle est tirée d’une lettre qu’il écrivit à sa femme avant son assassinat le 17 janvier 1961. Lumumba Lab ne s’est pas seulement approprié son nom. Les fondateurs de cet espace de co-création ouvert et gratuit se sont également appropriés sa lettre. Pour eux, elle n’est pas seulement adressée à Pauline, sa femme, mais à toute l’Afrique, au monde entier.

« Dans nos pays, on a des problèmes. On rencontre des challenges au quotidien. Faudra-t-il toujours attendre des ingénieurs venus d’ailleurs et des solutions parachutées? Non. Il va falloir qu’on écrive notre propre histoire », explique Filip Kabeya, cofondateur de Lumumba Lab.

Source: Coder pour décoder le quotidien des Congolais