
Jean Michel Foko est un auteur formidable, dans sa dernière chronique publiée sur lemonde.fr, il développe sur un ton humoristique des questions liées à l’identité africaine. Il narre une discussion passionnelle et tente de répondre à la question : c’est quoi être Africain? Sachez avant tout que la réponse ne paraît pas aussi simple que vous l’imaginez.
Les questions identitaires sont abordées avec une certaine gêne. La technique de Michel Foko qui consiste à faire tourner en dérision avec l’humour a permis de rendre digeste cette lourde tâche.
Dans sa chronique, l’auteur nous plonge dans des dialogues atypiques, ses personnages ont une grande intuition et arrivent à anticiper sur la question de leur interlocuteur et ainsi lui servir une réponse toute fraîche. Autrement dit répondre du tic au tac. Ce sens de la repartie est une approche que l’on retrouve chez beaucoup d’Africains. Éduqués à travers la tradition orale, les Africains ont le verbe facile et sont armés de répliques salées ou rigolotes.
Avant de répondre à la question: « C’est quoi être Africain? », Michel Foko nous propose de se faire une idée sur la place des expatriés vivants en Afrique. Comme le cas de Jean-Luc né à Paris. Lorsqu’il eut quelques mois, sa famille s’est installée à Pointe-Noire, capitale économique de la République du Congo, pour le travail. Et du coup, il a sillonné le pays au gré des affectations de son père, il n’est rentré en France qu’à l’âge de 20 ans. Il dit souvent, en parlant de son enfance africaine : « Dans ma classe, il y avait plein d’enfants noirs. J’étais le seul Blanc et je me souviens qu’au début les autres venaient tirer ma peau pour voir si le blanc s’enlèverait…»
Avec ce registre, Michel Foko arrive à évoquer avec le sourire le thème de l’immigration. Si les Africains sont connus comme étant de grands voyageurs, en retour, le continent africain demeure aujourd’hui une terre d’opportunités où bien des gens veulent venir s’y établir. Et l’écrivaine Sénégalaise Fatou Diome dans «Ce soir ou jamais» sur France2 s’indignait contre tous ceux qui voient les migrants comme des envahisseurs. Pour elle, le monde est une seule terre où chacun peut se mouvoir :
«On est dans une société de la mondialisation où un indien gagne sa vie à Dakar, un dakarois gagne sa vie à New York que cela vous plaise ou non c’est irréversible. Trouvons une solution collective, sinon déménagez d’Europe car j’ai l’intention d’y rester».
Ce qui est évident pour Michel Foko et qui l’est dans le raisonnement de tous : on ne peut pas se dire Africain en ne connaissant qu’une ou deux villes de son pays comme le cas d’Onana : Il se dit qu’Onana est né à Yaoundé, capitale de la République du Cameroun. Qu’il a vécu dans cette ville. Qu’il n’est allé à Douala, capitale économique du pays, qu’une ou deux fois dans sa vie. Et que c’est à l’âge de 20 ans qu’il s’est envolé pour la France, où il vit depuis une quinzaine d’années. Ce qui veut dire qu’il ne connaît du Cameroun que Yaoundé et Douala.
Jean Luc, né en France, a sillonné dans toute la RDC. Onana né à Yaoundé, mais ne connait que Yaoundé et Douala. Onana cri partout qu’il est Africain et fier de l’être et Jean Luc dit également la même chose. Qui a tort et qui a raison? De toutes les façons, on retiendra qu’autant Onana se sent Africain pour être né sur ces terres autant Jean Luc peut revendiquer son africanité pour avoir roulé sa bosse sur ces terres.
L’Africain c’est aussi celui-là qui disserte à longueur de journée sur les problèmes du continent, un homme engagé, un patriote, qui prône la démocratie. N’est-ce pas? L’auteur parcourt ces différents thèmes toujours avec son allure humoristique:
Je suis Africain avant d’être Guinéen. Un autre : « Laissez-moi avec vos conneries ! Je suis moi, Camerounais d’abord. » Il y a quelqu’un qui a dit que les Camerounais sont atteints du syndrome de Stockholm. Plus précisément : « Même s’il y a des élections transparentes au Cameroun, le vieux Biya va toujours gagner. Vous êtes amoureux de votre geôlier».
Aujourd’hui, être Africain peut se résumer juste à l’intention de vouloir l’être. Si tant de familles immigrent aux USA pour offrir à leurs enfants la nationalité américaine, c’est pour eux un rêve ou une manière de s’offrir l’eldorado comme ils le pensent. Inversement, aujourd’hui l’Afrique regorge d’opportunités et beaucoup de personnes venues d’ailleurs peuvent vouloir s’y implanter et obtenir la nationalité d’un des pays de l’Afrique et devenir Africain comme Onana et Jean Luc.