«Lion conquérant du royaume de Juda», «Roi des rois»,«Élu de Dieu», «Lumière du Monde», les titres ne manquaient pas pour qualifier Tafari Makonnen, renommé Haïlé Sélassié 1er, lors de son accession au trône. Chef du plus vieil empire du monde et du seul État d’Afrique à avoir réussi à conserver son indépendance, l’empereur se définissait comme le 225e descendant de la dynastie du roi Salomon et de la reine de Saba.

Né le 23 juillet 1892 à Ejersa Goro, dans la province du Harar, à l’est de l’Éthiopie, Tafari vit un drame précoce dès sa tendre enfance, avec la mort de sa mère qui succombe au choléra, alors qu’il n’a même pas 2 ans, en mars 1894. Son père, le ras Makonnen, gouverneur du Hararghé, meurt à son tour le 21 mars 1906, laissant Tafari entre les mains de l’empereur Menelik II, trop jeune pour succéder à son père. Après plusieurs tractations au niveau du pouvoir, il réussit cependant à revenir dans la province de Harar et à obtenir le gouvernorat de son père en mars 1910, après avoir pris soin au préalable de conclure un accord avec son cousin Iyasu, héritier du trône de Ménélik II. Ce dernier s’engage à ne pas briguer le trône impérial, mais conserve son gouvernorat. Pendant la Première Guerre mondiale, Iyasu est renversé et remplacé au pouvoir par la tante de Tafari, l’impératrice Zewditou 1re, qu’il assiste en exerçant la régence du pouvoir, sous le titre de Negus, du 7 octobre 1928 au 2 avril 1930, date du décès de l’impératrice. Le 2 novembre 1930, il est intronisé empereur sous le nom de Haïlé Sélassié 1er.

 

 

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Haïlé Sélassié et l’un de ses lions Ⓒ http://creativeroots.org

Le règne d’Haïlé Sélassié évolue sur des montagnes russes. Il fait intégrer l’Éthiopie à la Société des Nations en 1923, tente de supprimer la pratique de l’esclavage dans le pays et y instaure une Constitution écrite. En 1935, son pays est envahi par l’Italie et malgré ses demandes de soutien à la Société des Nations, Haïlé n’obtient pas gain de cause et est obligé de rester en exil en Angleterre, ce qui provoque la colère de son peuple. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale lui permettent cependant de retrouver son trône, aidé par les Anglais, et de régner souverainement. Diplomate hors pair, il intervient sur plusieurs fronts et réussit à négocier la signature des accords de Bamako, mettant ainsi fin à la guerre des sables entre le Maroc et l’Algérie. C’est ainsi que l’OUA, à sa création, en 1963, fait tout naturellement d’Addis-Abeba son siège permanent. L’empereur, très attaché à dégager une image moderne de son pays, met en place plusieurs réformes, mais en réalité, le pays reste ancré dans l’archaïsme et un pouvoir sans partage. Coupé des réalités, Haïlé perd pied, emporté par son entourage qui ne le tient pas au courant des protestations du peuple, préférant le flatter pour éviter ses colères. Immanquablement, après la famine de 1973 qui tue des milliers de paysans dans le Wollo et exacerbe les frustrations après la révélation d’un scandale de corruption, les militaires sortent des casernes et provoquent la chute de l’empire en septembre 1974. Les hauts dignitaires et les princes sont exécutés dans un bain de sang et le colonel Menguistu devient chef de l’État, mettant ainsi fin à 54 années de règne et à plus de 3000 ans de monarchie.

Lors du déclin du communisme en 1992, les restes d’Haïlé Sélassié sont retrouvés, ensevelis sous les appartements du colonel Mengistu. Des funérailles peuvent ainsi être organisées et le Roi des rois est inhumé en novembre 2000, dans la crypte de la cathédrale orthodoxe de la Trinité, à Addis-Abeba. Les circonstances de sa mort restent floues, mais d’après les rumeurs, il aurait été étranglé par les militaires autour du 25 août 1975, après avoir été séquestré dans un cachot pendant toute une année.

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Rastamen de Jamaïque Ⓒ http://time.com

Haïlé Sélassié, c’est aussi un mythe de l’autre côté de l’Atlantique, en Jamaïque, où il est considéré comme un Messie. Le grand penseur panafricaniste, Marcus Garvey, après avoir prononcé ces mots : « Regardez vers l’Afrique, où un roi noir sera couronné, qui mènera le peuple noir à sa délivrance« , offre une figure aux rastas qui considèrent le couronnement d’Haïlé Sélassié comme la réalisation de la prophétie. Son illustre nom continue à résonner dans les chants reggae des rastafariens, les adeptes de la religion popularisée par Bob Marley. Et pour les rastamen de la Jamaïque, qui se sont déplacés en masse pour les funérailles du Négus, «King Sélassié», même disparu, reste un prophète.