
Toujours nommé, jamais récompensé. L’auteur Ngugi Wa Thiong’o est encore cette année en lice pour obtenir un prix Nobel de littérature. Il est actuellement professeur et directeur de l’International Center for Writing and Translation à l’Université de Californie à Irvine. Avec une écriture qui puise son inspiration dans les langues locales du Kenya, l’auteur est reconnu pour sa démarche qui propulse la culture africaine à l’avant-scène. Il serait temps qu’on lui décerne une reconnaissance mondiale pour l’ensemble de son œuvre.
La littérature africaine peut bien s’enorgueillir d’avoir Nguigi Wa Thiong’o. Très jeune, l’écrivain ressent un malaise face à l’obligation de s’exprimer en Anglais au détriment de sa langue maternelle, le Kikuyu. Dans le cercle familial et dans son quartier, le jeune Nguigi pense, dialogue et rêve en Kikuyu. Mais une fois à l’école, il est en opposition au système scolaire qui exclut les élèves qui osent communiquer dans une autre langue que celle du colonisateur britannique.
Le manque de considération des langues locales par les établissements de son pays provoque un écart entre lui et le système éducatif. Malgré une littérature prolixe récompensée par de nombreuses distinctions, l’auteur décide, bien des années plus tard, de renoncer à l’usage de l’Anglais dans ses œuvres au profit de la langue maternelle, le Kikuyu. De plus, l’écrivain « afro-saxon », comme il se définit, se consacre au théâtre avec « Le Procès » de Dedan Kimathi (1975) et « Je me marierai quand je voudrai » de Ngaahika Ndeenda (1977). Cette dernière pièce, jouée en Kikuyu devant un public de plus en plus large, dérange les hautes sphères du pouvoir. Ngugi Wa Thiong’o est arrêté en décembre 1977.
« Pour une Afrique libre », le dernier essai de Ngugi Wa Thiong’o, annonce déjà les couleurs de la démarche de l’auteur, qui revient sur les innombrables défis rencontrés par les sociétés africaines contemporaines.
«Le livre aborde des thèmes chers à l’auteur : la nécessité de l’estime de soi chez les Africains, trop souvent enclins à mépriser leur propre culture ; le non-sens des étiquettes tribales, à l’origine accolées par les étrangers aux peuples africains pour mieux les diviser ; la mondialisation économique qui place l’Afrique sous l’emprise du fondamentalisme capitaliste ; le rapport de l’écrivain africain à sa ou ses langues ; l’esclavage et son héritage toujours vivant dans les sociétés contemporaines ; le rôle de l’intellectuel au xxie siècle ; l’Afrique confrontée aux menaces d’armes de destruction massive ; l’écriture comme instrument de paix… » — Résumé de l’éditeur Philip Rey
L’écrivain kenyan est régulièrement pressenti pour recevoir la distinction suprême : le prix Nobel de littérature. Ses œuvres commencent enfin à être traduites en français, le temps est peut-être venu de récompenser ce grand penseur contemporain africain.