Ex-mannequin, Audrey Chicot dirige aujourd’hui la principale usine métallurgique du Cameroun : Multi Services et Matériel Industriel (MSMI). À 43 ans, elle est l’une des rares femmes qui détiennent le pouvoir industriel dans le pays le plus riche d’Afrique centrale. Portrait d’une entrepreneure atypique.

Audrey Chicot sait jouer du coude pour se faire de la place dans un monde masculin : la fabrication et la maintenance industrielle. Trouvant insupportable l’arrêt des machines dans les usines camerounaises, causé par le manque de pièces de rechange, elle crée une entreprise en 2003.

 

Son charisme naturel ne laisse personne indifférent. Son franc-parler non plus. Audrey Ngo Yetna épouse Chicot, de son nom à l’état civil, représente la perle rare du secteur de la métallurgie en Afrique. Et pour y arriver, elle s’est formée sur le tas : trois ans d’apprentissage avec passion, en France, dans les années 2000. Ce détail ne change, pour autant, aucun trait de sa maîtrise du métier.

Le caractère combatif de Audrey n’est pas dû au hasard. La dame de fer du Cameroun est un produit de détermination et d’engagement. Elle est la seule fille d’une fratrie de cinq enfants. Ce fait lui impose très tôt le besoin de défendre son point de vue et sa volonté «entre les hommes». Ce caractère sera un atout important pour elle dans le monde des affaires.

«Ceux qui ne me connaissent pas ont plus tendance à voir la femme. Ils pensent que je suis vigile ou cuisinière de l’entreprise. Mais je ne suis pas du genre à me laisser faire, je remets toujours les pendules à l’heure.» – Audrey Chicot

Commandant en chef

Sur le terrain, Audrey Chicot se distingue par la qualité des prestations de sa société. En dehors du confort de son bureau, la directrice sait aussi troquer son costume avec des blousons d’atelier, quand il s’agit de faire la ronde des chantiers pour inspecter le travail de ses hommes de main. Estimés à une quarantaine, ces employés se plient en quatre pour observer à la lettre les instructions de leur patronne. La satisfaction de la clientèle est leur sacerdoce.

Pour Audrey Chicot, la qualité du service est une condition sine qua non pour gagner des parts dans ce marché de niche où la concurrence des entreprises étrangères s’avère redoutable. Ainsi, elle s’applique quotidiennement pour élever son entreprise, installée dans la périphérie de Douala, aux standards internationaux.

Ses efforts paient plus au comptant. Son chiffre d’affaires atteint 600 millions de francs CFA. MSMI passe d’une petite entreprise à une société de référence en Afrique centrale. Au plan mondial, un classement de 2014 positionne l’entreprise à la 6e place sur 988 des entreprises de la même taille.

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Pour répondre à la demande pressante, MSMI fabrique des pièces métalliques, des engrenages pour les usines, des vannes pour les industries pétrolières et même des pièces uniques pour l’aéronautique. «L’État a reconnu que mon entreprise est véritablement placée au cœur du plan d’industrialisation à venir, et aujourd’hui on le sent, aucun pays du monde ne sait se développer sans avoir un secteur de la maintenance assez fort», confie-t-elle.

Reconnue comme la seule femme du secteur par l’Organisation des Nations-Unies pour le développement industriel, elle voit dans l’industrialisation de l’Afrique la seule voie pour le développement du continent. En ce qui concerne le débat sur la parité dans le travail, Audrey Chicot opte pour une entrée massive des femmes dans les métiers traditionnellement masculins. «Quel que soit le secteur dans lequel la femme peut se lancer, rien n’est facile, mais c’est encore plus compliqué quand ce sont des secteurs dits d’hommes entre parenthèses», prévient-elle.