
Atteinte du Sida depuis 1993, Martine Somda reste toujours pleine de vie. Déterminée plus que jamais, l’infirmière burkinabé mène un combat sans merci contre toute forme de discrimination liée au VIH. Ses armes : son témoignage et son association. En cette journée mondiale de lutte contre le Sida, voici le portrait de cette grande dame.
À 58 ans, Martine Somda a passé près de la moitié de sa vie à lutter contre le Syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). Elle parcourt toutes les contrées de son pays et les grandes conférences internationales pour dénoncer l’extrême vulnérabilité des femmes africaines face au Sida.
Présidente de l’association REVS+ (Responsabilité Espoir Vie Solidarité) depuis 1997, Martine Somda coordonne la prévention et la prise en charge globale d’un regroupement de 3416 personnes atteintes du VIH. Elle est également l’administratrice de Coalition PLUS, une union d’associations de lutte contre le VIH/Sida, créée en 2008.
Au fil de son engagement sans cesse croissant, elle est devenue la figure emblématique porteuse d’un nouveau discours : «les femmes face au Sida». Contaminée par son mari, l’histoire de Martine Somda expose la réalité vécue par des millions de femmes sur le continent.
«Face au VIH, la vulnérabilité des femmes est très forte en Afrique. Elles n’ont souvent pas les moyens de se refuser à leur mari même si elles savent que celui-ci est infidèle. Et elles n’ont aucun moyen de lui imposer une sexualité protégée. C’est l’homme qui décide de tout» – Martine Somda
Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU, avait raison de dire que «les véritables héros de la guerre contre le Sida, c’est parmi les femmes qu’il faut les chercher. Il faudra donner aux femmes les moyens d’agir dans ce combat.» Une chose est sûre, Martine Somda possède des moyens efficaces.
Chrétienne fervente, elle a su puiser dans «son homme intérieur» la force nécessaire pour supporter sa condition. Et pourtant, quand elle a appris son infection, elle avoue s’être révoltée contre Dieu.
«J’avais un sentiment d’injustice face à ce virus qui était arrivé dans ma vie simplement parce que j’avais épousé un homme et que je l’avais aimé.» – Martine Somda
Quand elle a appris sa contamination, le médecin lui a dit qu’elle vivrait encore pour «trois ou quatre ans, peut-être.» Elle s’est fortifiée dans sa foi en demandant deux choses à Dieu : le temps de voir grandir ses filles pour s’occuper d’elles et la chance de voir naître le premier de ses petits-enfants.
Prière exaucée. «Je suis une mère, une grand-mère et une femme africaine vivant avec le VIH. Et je veux continuer à témoigner et à me battre pour faire reculer la peur et la stigmatisation face au Sida, en Afrique ou ailleurs.»

Après une brève période de dépression, Martine Somda a trouvé du réconfort auprès de quelques associations françaises qui interviennent sur le sujet. Elle raconte que cela lui a permis de comprendre qu’elle n’était pas seule avec ce virus et qu’ailleurs dans le monde, des gens agissaient.
L’amour vaut mieux que le médicament
Au début des années 2000, Martine Somda commence à faire venir les premiers traitements au Burkina Faso grâce aux associations françaises. Des médicaments arrivent au compte-gouttes.
«Au début, on a en reçu pour quinze patients. Et cela a été terrible sur un plan éthique. Il y avait des dizaines de malades qui avaient besoin du traitement et on devait en choisir quinze. J’avais l’impression de prendre la place de Dieu et de décider à sa place qui devait vivre et qui devait mourir.» – Martine Somda
Aujourd’hui, 49 000 personnes au Burkina Faso reçoivent des médicaments antirétroviraux. C’est en 2000 que la militante a commencé une trithérapie. Elle confie que l’amour de ses proches a été aussi essentiel que les médicaments. L’amour et le courage de ses filles qui, très tôt, ont dû apprendre à vivre avec ce secret enfoui au cœur de l’intimité familiale.
Lutter contre le VIH, pour Martine, c’était aller témoigner à visage découvert dans les médias. «Je voulais montrer qu’une femme ordinaire peut être infectée et vivre avec le virus. Et casser cette image si négative du Sida.»
Sans hésiter, elle interpelle les décideurs et les bailleurs de fonds en rappelant que sur les 36 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde, la moitié n’a toujours pas accès aux traitements.